Pour régénérer l’Église – “Cherchez la femme”- inspirons-nous de dame nature : une monoculture épuise ses sols, là où la polyculture assure une fécondité durable.

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« Vivre c’est changer ; être parfait, c’est avoir changé souvent”, écrivit dans son Essai sur le développement de la doctrine chrétienne (1845) le futur saint John-Henry Newman, ajoutant que si “l’idée” du christianisme change, c’est “afin de rester fidèle à elle-même”. L’image qui l’inspirait, était celle du vivant. Ainsi, quelle différence entre l’enfant que j’étais et l’adulte que je suis devenu. Et pourtant, ce n’est qu’en changeant que je reste moi-même. Le jour où cela s’arrêtera, je serai mort. De manière identique, l’Église, s’est maintenue vivante, en se forgeant au cours des siècles un langage propre pour protéger et exprimer le Mystère révélé en Christ (les dogmes), en balisant et adaptant ses rites de célébrations du Salut (la liturgie), en proposant un agir chrétien fidèle à l’Évangile et adapté à l’époque (la morale).
Des déchirures internes au fil de l’histoire
Ce développement chrétien se réalisa au prix de déchirures internes, apparues au détour de l’histoire. Celles-ci blessent l’unité, mais mettent paradoxalement aussi en lumière divers aspects du trésor de la foi. La Réforme protestante recentre sur l’expérience du Salut : l’amour du Père, révélé en Christ par l’Esprit, est un don gratuit qui s’accueille dans la foi. L’Orthodoxie enracine dans la dimension charnelle du christianisme : il se psalmodie et se célèbre au gré des effluves de l’encens. Le Catholicisme souligne l’universalité ecclésiale, rassemblant des quatre coins du globe, des Églises locales en une communion visible autour du siège romain.
Tous sont appelés pour édifier le temple de l’Esprit.
Ainsi se présente l’Église : forte de Dieu et fragile de l’homme ; immuable dans son être et en développement dans sa vie. Une Église “une, sainte, catholique (universelle) et apostolique”, non pas par mérite de ses membres, mais grâce au souffle de l’Esprit. À chaque époque, une figure de croyant se dégage comme archétype du chrétien accompli. Durant les premiers siècles, ce fut le “témoin” du Christ (“martyr” en grec) : le théologien qui éclaire la foi et le baptisé qui donne sa vie. Avec le Moyen Âge, vint le temps des moines et des missionnaires : les premiers cherchant à vivre leur baptême en plénitude et les seconds à le répandre. Après la Renaissance et de la réponse catholique à la réforme protestante, furent mis en avant les mystiques (souvent femmes), vivant de l’intérieur la relation au Christ et les prêtres, images extérieures du Bon Pasteur. Avec la révolution sociale de mai’68 et le Concile Vatican II, une nouvelle configuration d’Église est en naissance. Notre époque consacre l’autonomie du sujet et la communication tous azimuts. L’Église s’y incarne dès lors, en mettant en avant la condition baptismale de chaque chrétien, déployant ses charismes propres au service de l’unique communion ecclésiale. Consacrés et couples, clercs et laïcs, hommes et femmes, jeunes et vieux, blancs, noirs ou jaunes – tous sont appelés à devenir les pierres vivantes, édifiant le temple de l’Esprit.
Propos lors de la sortie de “Sodoma”
Pour régénérer l’Église, il s’agit désormais de veiller à la complémentarité des états de vie et à la synodalité, afin de conjuguer l’ensemble des charismes. Illustration : la réaction la plus pertinente entendue à propos de “Sodoma”, le récent livre sur l’ambiance trop unilatéralement homosensuelle au Vatican, fut celle d’un vieux prêtre me glissant avec malice que la vraie question posée par cette enquête, est : “cherchez la femme”. De fait, sur les quelque 632 pages de cette brique, seules 4 filles d’Eve sont interviewées. Si depuis peu, le Pape nomme des femmes à des postes de responsabilités au Vatican, ce n’est donc pas pour donner des gages aux féministes, mais bien pour rétablir un équilibre humain et émotionnel au cœur même du gouvernement de l’Église. Car oui – le champ du Seigneur ressemble à dame nature : une monoculture épuise ses sols, là où la polyculture assure une fécondité durable.
Une chronique de Eric de Beukelaer – Le regard du prêtre – Parue dans la Libre.be