Pâques est la plus grande fête chrétienne, la plus mystérieuse aussi. Noël nous touche par son humanité. Pâques nous trouble par son immensité. La mort et la vie se côtoient, elles ne font qu’un. Oui, nous le savons, la nature renaît au printemps, le cycle des saisons est un éternel recommencement. Mais comment saisir, alors que nous nous savons mortels, cette folle espérance symbolisée par la résurrection du Christ ?

Renvoyés à nous-mêmes
Le tombeau vide est peut-être l’image la plus forte de la Pâque chrétienne. Et, comme l’année passée, elle résonne au plus profond de nous. Nos églises sont certes un peu moins vides qu’en 2020… mais si peu. Nous sommes renvoyés à nous-mêmes, dans l’intime de nos peurs et de nos confiances. Aucun raisonnement ne nous comblera. Alors, si nous écoutions les poètes, eux qui saisissent l’insaisissable et nous guident pas à pas, mot à mot.
Philippe Jaccottet nous a quittés le 24 février 2021. Reconnu universellement, ce grand poète a vu ses Oeuvres publiées, de son vivant, dans la prestigieuse « Bibliothèque de la Pléiade ». Il ne se disait pas croyant mais, toute sa vie, il s’est questionné sur le sens de l’existence. La poésie était, pour lui, le moyen d’atteindre l’essentiel (si ce mot banalisé signifie encore quelque chose aujourd’hui). Comment ? En observant la nature, les fleurs, les plantes qui, dans leur humilité, nous ouvrent à la lumière. Écoutons-le, il nous parle !
« Les plantes murmurent sans cesse de la lumière. Il faudrait trouver ce qui dirait Dieu, ou du moins une joie suprême. L’obstacle, l’écran qui les révèlerait. » (p. 706) (*)
« Je n’ai jamais su prier, je suis incapable d’aucune prière. Là, entre le jour et la nuit, quand le porteur du jour s’est éloigné derrière les montagnes, il me semble que les prés pourraient être une prière à voix très basse, une sorte de litanie distraite et rassurante comme le bruit d’un ruisseau, soumise aux faibles impulsions de l’air. » (p. 709)
« Tout ce que j’ai écrit, et sans doute surtout le plus clair, le plus serein, n’a été que pour repousser l’inconnu, éloigner la peur qui à présent se rapproche et, certaines nuits, triomphe. Il n’est pas un endroit où ne nous débusque le pinceau de lumière mortelle qui est censé nous ouvrir l’avenir. Où est l’Être qui nous donnerait force ? Qui nous accorderait un moment de répit alors que nous ne sortons presque plus de la fatigue. Qu’est-ce que la Résurrection ? L’histoire d’un rêve ? » (p. 401)
« C’est le tout-autre que l’on cherche à saisir. Comment expliquer qu’on le cherche et ne le trouve pas, mais qu’on le cherche encore ? L’illimité est le souffle qui nous anime. L’obscur est un souffle ; Dieu est un souffle. On ne peut s’en emparer. La poésie est la parole que ce souffle alimente et porte, d’où son pouvoir sur nous. » (p. 354)
Nous réconforter
Merci, Philippe Jaccottet ! En ce temps pascal, vos mots sont, peut-être, un viatique. Un viatique qui nous recentre et nous réconforte. La poésie et la foi ne sont pas incompatibles. Mieux sans doute, elles s’enrichissent mutuellement.
Car l’essentiel, n’est-il pas, comme Philippe Jaccottet le disait lui-même, de semer « des graines pour replanter la forêt spirituelle » ? (p. 1324)
>>> (*) Toutes les citations sont tirées des « Œuvres » de Philippe Jaccottet dans la Bibliothèque de la Pléiade, aux éditions Gallimard, 2014.
Un texte de Cécile Jacquerye-Heusers, chrétienne en chemin.
Publié le 01-04-21 dans la Libre.be