Coronavirus, châtiment de Dieu ?

La Bible illustre toute une évolution dans la perception de Dieu et ses répercussions éthiques, jusqu’au Dieu des Béatitudes et de l’amour du prochain proclamé par le Christ.

Les prédicateurs de haine auront su tirer profit du coronavirus. Bien que minoritaires, ils ne sont pas isolés et répandent leur prêche sur YouTube ou les réseaux sociaux. Pour tel pasteur, le virus a d’abord châtié la Chine « à cause du communisme impie qui maltraite les chrétiens« . Pour tel imam, c’est la persécution des musulmans ouïgours par les Chinois qui justifie la « malédiction d’Allah”. Pour tel rabbin, le fléau est à attribuer aux homosexuels car « le Créateur de la nature se venge contre ceux qui sont contre nature« . Pour tel curé, Dieu réprime tous ceux qui vivent « dans le péché et la turpitude humaine ».

Je ne ferai pas de publicité aux auteurs de ces propos bien réels et ahurissants. Toutefois, faut-il s’étonner que des leaders religieux exhortent à la repentance et implorent la miséricorde divine ? La Bible ne nous parle-t-elle pas d’un Dieu jaloux, capable de colère, qui réprime l’humanité lorsque cette dernière lui est Infidèle ? Pendant l’Exode, Dieu frappe les troupeaux de Pharaon d’une peste très grave puis il couvre les Égyptiens d’ulcères bourgeonnant en pustules. (Ex 9, 10) Moïse a averti le peuple d’Israël : “Si tu n’obéis pas à la voix de Dieu (…) Dieu te frappera de consomption, d’inflammation, de fièvre chaude, de sécheresse, de rouille et de nielle, qui te poursuivront jusqu’à ta perte.” (Dt 28, 15. 22) Quant au Roi David, il offre des sacrifices à Dieu pour susciter sa pitié car « Dieu envoya la peste en Israël (…) et 70.000 hommes moururent.” (2 Sm 24, 15)

Alors que répondre à ces obscurs prêcheurs ? L’abbé Marcel Bastin, éminent bibliste décédé en 2018, aimait marteler combien la Bible, pleinement Parole de Dieu, n’en demeure pas moins pleinement Parole d’hommes. Il faut se rappeler que la Bible est une grande bibliothèque et que le « Dieu de la peste » est celui du Premier Testament. Il ne s’agit pas de dénigrer ces pages essentielles de la Bible mais de prendre en compte les diverses circonstances historiques, culturelles et géopolitiques à travers lesquelles leurs rédacteurs nous ont livré la mémoire d’un peuple et de sa foi en Dieu. Il convient de considérer la variété des genres littéraires bibliques et leurs diverses fonctions : historique, mythique, poétique, liturgique, juridique… L’histoire des civilisations et des littératures antiques, l’archéologie et la linguistique sont autant d’outils critiques indispensables pour approcher avec justesse la théologie des hommes d’autrefois, c’est-à-dire leur manière de parler de Dieu. Les ouvrages bibliques rédigés, remaniés, compilés et traduits sur plusieurs siècles, offrent une vision de Dieu qui n’est jamais uniforme et qui témoigne des évolutions de foi et de mentalités. Au départ violent et guerrier, le Dieu biblique reflète le vécu concret du peuple hébreu. Ce dernier associe Dieu aux défis qu’il doit relever pour gagner sa liberté. Il l’intègre aux enjeux de sa survie et de sa destinée. Malgré son affirmation d’un Dieu unique, le peuple hébreu reste également longtemps influencé par les représentations divines issues des peuples voisins, et Dieu n’échappe pas à une certaine fonction mythique visant à pouvoir justifier tout ce qui touche à la vie, y compris les maladies ou les catastrophes naturelles. Il va sans dire que les progrès scientifiques et médicaux contribueront à ajuster ces représentations. La Bible illustre toute une évolution dans la perception de Dieu et ses répercussions éthiques, jusqu’au Dieu des Béatitudes et de l’amour du prochain proclamé par le Christ. Il est donc infantile de se référer à la Bible de façon littérale, pire, dangereux de l’exploiter pour justifier la peur, la culpabilité et la haine d’autrui. La Bible n’est pas une dictée de Dieu. Dieu n’est pas figé dans des oracles intemporels. Dieu est une Parole vivante qui se révèle dans le discernement des Écritures, dans le dialogue symbolique entre les humains qui les ont rédigées et ceux qui la lisent, l’interprètent, la prient et la célèbrent depuis de nombreux siècles.

Extrait du journal Dimanche N° 18 du 3 mai 2020

« LE VENT SOUFFLE OÙ IL VEUT » – LA CHRONIQUE DE SÉBASTIEN BELLEFLAMME

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