Une chronique d’Eric de Beukelaer parue dans la libre.be du 15 janvier 2019.
Ce pourrait être votre bonne résolution. Le jeu en vaut la chandelle pour développer votre vie intérieure.

Une nouvelle année advient. Le moment est propice aux bonnes résolutions. Ne plus fumer. Trier ses déchets. Pratiquer le néerlandais. Prendre du temps avec ses proches… Je vous en propose encore une autre : prenez chaque jour ne fût-ce que quatre petites minutes de silence. Pas le temps ? Nous trouvons bien chaque jour un moment pour soigner notre corps : douche, sport, nourriture. Nous prenons également du temps pour nourrir notre intelligence et nos émotions : lectures, cinéma, presse, radio, TV, réseaux sociaux… Et notre intériorité, quel temps lui consacrons-nous ?
Il y a quelques mois, à l’initiative d’un échevin (PS) de l’Enseignement d’une commune de la région liégeoise, j’ai rencontré deux cents enfants de sixième classe fondamentale, tous réseaux scolaires confondus. Je le fis en compagnie du professeur Steven Laureys, l’éminent neurologue liégeois (prix Francqui 2017). En scientifique, ce dernier expliqua à ces futurs adultes de 12 ans qu’il était, aujourd’hui, démontré que le cerveau de personnes ayant une pratique régulière de la méditation silencieuse développait des connexions nouvelles. De mon côté, j’ai renchéri, en soulignant que tout homme était appelé à développer une vie intérieure – qu’il soit croyant, agnostique ou athée. Jadis, une certaine spiritualité accompagnait les existences, nos aïeux vivant au rythme des labours et des saisons, au cœur d’une nature qui les initiait à l’écoute silencieuse. Mais avec l’avènement de la société industrielle – et plus encore depuis la révolution numérique – nous évoluons dans un monde de bruit où nos sens sont sans cesse artificiellement sollicités. Regardons nos jeunes (et moins jeunes), le regard collé à l’écran du smartphone et des écouteurs greffés aux oreilles. Cela engendre des personnalités surinformées, mais privées de caisse de résonance intérieure. D’où le risque d’humains sans profondeur, formatés pour devenir chaque jour davantage de bons petits consommateurs, dociles au catéchisme du marketing et de la publicité. Ou alors, des rebelles sans recul ni sagesse, qui se construisent par réaction à l’ultracapitalisme ambiant, une carapace de certitudes politiques (le populisme identitaire) ou religieuses (le fondamentalisme). Impasses que tout cela. Pour vivre toutes les dimensions de son être, l’humain doit cultiver le jardin de son intériorité. Et cela requiert une éducation au silence. Pour le croyant, il s’agit de se mettre en présence du mystère fondateur – que les chrétiens nomment « Dieu ». Pour le non-croyant, c’est un face-à-face avec soi et le monde. Dans tous les cas, il s’agit d’oser la rupture : laisser là nos écrans, nos activités, nos paroles. Pour entrer dans le silence.
Faire silence ne va pas de soi. Tous les monastères connaissent ces visiteurs agités qui repartent, dès le lendemain de leur arrivée, car « ils ne supportent pas ce silence qui les angoisse ». Cette mise en présence à soi-même, sans complaisance ni faux-fuyants, s’apprivoise. Et cela requiert volonté, discipline et régularité. Mais le jeu en vaut la chandelle, car il bâtit la colonne vertébrale de notre quête spirituelle. Vous m’avez compris, mon conseil pour l’an neuf, le voici : prenez la ferme résolution de vous arrêter tous les jours, ne fût-ce que quatre petites minutes. J’ai bien dit : tous les jours. Pour quoi faire ? Rien – justement. Pour être là. Dans le silence. Et si ce temps de silence quotidien, vous le pratiquez déjà, pourquoi ne pas en augmenter un peu la durée ? (Vingt à trente minutes de silence quotidien n’ont rien d’exceptionnel.) Mais que le débutant commence par quatre petites minutes. Tous les jours. Pour expérimenter cette hygiène de l’âme, assidûment pratiquée par le Verbe de Dieu : « En ce temps-là, Jésus se rendit sur la montagne pour prier, et il passa toute la nuit à prier Dieu. » (Luc 6,12)
Chouette réflexion.
Je prends !
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