Re/commencer, imaginer

« Le matin t’est donné/ Ne le prends pas comme un dû », suggère le poète Guillevic. A chaque nouvelle année autant qu’à notre anniversaire inaugurant 365 jours d’existence en surcroît, nous éprouvons l’ivresse du petit franchissant le portail de l’école pour la première fois, du jeune couple emménageant dans un lieu à lui, de la fraîche accouchée contemplant son petit. L’initiale. Quelque chose commence. Toutes et tous souhaitant le meilleur sur le seuil d’une aventure inouïe. Même lorsque nous sommes confrontés à des interrogations majeures comme celles qui nous assaillent aujourd’hui. Allons-nous ressasser le quotidien mena[1]cé et ses soucis matériels ? Les médias s’en chargent. Pourrions-nous tenter de dégager une voie d’espérance ?

 » Le 3ème, le 4ème âge. Et si cette période de la vie était aussi la meilleure pour notre épanouissement spirituel ?« 

Au long d’une vie, nous accumulons des connaissances, des savoir-faire mais étrangement, on ne nous apprend pas réellement l’attachement et le détachement, la souffrance, la mort des autres et la nôtre. C’est toujours sur le tas que nous expérimentons. Nous ne pouvons guère user d’un quelconque acquis puisque ce que la croissance d’un enfant nous a révélé ne nous sert même pas pour son frère, sa sœur ! La romancière Anne Philipe observait : « Il est vain de regretter que l’expérience de chaque vie ne puisse se transmettre ainsi qu’une loi scientifique. Que serait la vie si nous ne la réinventions et l’abordions gonflés d’une expérience vécue par d’autres ?« 

Nous sommes appelés à nous adapter à l’imprévisible en mobilisant nos ressources. Dans un dossier de Dimanche (13 juin 2021) intitulé En route pour le 4e âge, Pierre Granier soulignait que la tête a la possibilité de grandir, et ce jusqu’au terme ; il concluait gaillardement : « Et si cette période de la vie était aussi la meilleure pour notre épanouissement spirituel ? » Voilà de quoi adoucir la perspective et rendre à la vieillesse sa valeur hors des canons du jeunisme. J’entends l’Evangile : « Qu’il croisse et que je diminue » appliqué à l’être intérieur. Je perçois la voix de la jeune juive partie en fumée à 29 ans, Etty Hillesum, désireuse de se comprendre elle-même, d’assumer son être, alors qu’elle se sait condamnée à brève échéance.

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Les mains de l’automne

Colette Nys Mazure reste fidèle à elle-même, de vouloir partager la saveur de la vie, de mettre l’accent sur la lumière, plutôt que l’ombre, de travailler à la contagion de la saveur de vivre et du plaisir de partager. (Copie d’écran du journal Dimanche)

Il me téléphone.

– Demain il va pleuvoir.

– C’est ce qu’on annonce. Tant mieux pour les cultures. Mais aujourd’hui il fait si beau.

Elle m’appelle. Tu te rends compte ! Déjà l’automne, ça me fait peur…

– Les arbres vont prendre des couleurs magnifiques dans la lumière moins violente.

J’aime ce jeu des saisons ; je ne voudrais pas vivre sous un ciel perpétuellement bleu. Évidemment je vais encore me faire taxer d’optimisme, une tare rédhibitoire en cette période mortifère où l’anxiété se cultive. Serait-il malvenu de se réjouir des plaisirs offerts à chacun pour autant que les sens restent en alerte et le cœur ouvert ?

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Prière pour se délester

Extrait de la revue diocésaine Pastoralia (Malines-Bruxelles)

Dans ma vie d’après Covid-19, je m’engage à…

Penser l’après. Témoignages de personnes connues ou moins connues, espoirs pour notre société à venir.

Y aura-t-il un avant et un après ? « Soyez le changement que vous voulez voir dans le monde » (Gandhi). A côté du « Il faudrait que… », qu’en sera-t-il à notre niveau personnel ?

Colette Nys-Mazure, écrivaine

Cette crise sanitaire risque de creuser le fossé entre privilégiés (espace, nature, ressources culturelles et familiales) et non privilégiés (surpeuplement de lieux étriqués dans la promiscuité d’immeubles bruyants, sous la pression d’adolescents et d’enfants qui exigent beaucoup d’attention). Sans parler de la fascination des écrans.

Si nous y arrivons, elle peut contribuer à rétablir une hygiène de vie, qui risquait de disparaître dans la course quotidienne, la pub pour la consommation, le profit, la jouissance immédiate.

Je suis émerveillée par les initiatives qui surgissent de partout, en vue de la solidarité et de la créativité. La seule chose à faire est de tenter de vivre au mieux ce qu’il nous est donné de vivre, non pas tout seul mais en communion. Ces semaines nous invitent à l’entraide, alors qu’on se soucie trop peu de la situation des réfugiés, tellement plus menacés que nous.

Colette Nys-Mazure

Extrait du journal Dimanche 5 avril 2020 n° 14 – « Dans l’antre de la création. » page 13

Rumeur et choix

Colette Nys Mazure, née en 1939, est une écrivain belge de langue française. Si la poésie reste son territoire de prédilection, elle a également écrit des essais, des nouvelles et des pièces de théâtre qui connaissent un grand succès.

Colette Nys Mazure : « Je veux partager la saveur de la vie. J’aurais envie de mettre l’accent sur la lumière, plutôt que l’ombre. J’ai envie de travailler à la contagion de la saveur de vivre et du plaisir de partager. »

Elle nous parle des événements actuels que nous vivons.

A 6h, je perçois le bruit caractéristique du journal jeté d’une voiture dans la boîte aux lettres ! Parfois je m’interdis de réagir, poursuivant ma lecture-écriture ; d’autres fois je vais le cueillir, plongeant dans l’actualité la plus sombre et ses rares fenêtres éclairées, telle celle d’une maison voisine (d’autres que moi sont debout). Avant cela, j’aurai repéré des étoiles dans le ciel encore noir, tendu l’oreille aux chants d’oiseaux innommés, respiré les parfums printaniers d’une nature en prodigieux épanouissement. Réconfortant, comme le bol de café savouré au bord du jour à vivre.

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