Et si, en dix ans à Rome, le pape François avait déçu tout le monde ? Sa gauche parce qu’il n’aurait pas bousculé la doctrine, sa droite qui redoute de le voir relativiser le dogme ? Une lecture politique d’un pontificat pourrait avancer une telle analyse. Ce n’est cependant pas de la sorte qu’il convient d’observer l’Église. Souhaiter ou redouter une rupture, ce n’est rien comprendre de ce qu’elle est. Qu’on le regrette ou non, l’Église avance non par révolution, mais par évolution.

« Il y a 10 ans, François était élu par ses pairs. La surprise fut totale à l’époque. Aujourd’hui, que retenir de ses dix ans de pontificat ? » Photo tirée du journal Dimanche du 12 mars 2023
Dès lors, comment se situe le pape François dans l’histoire de la papauté ? Après Jean-Paul II et Benoît XVI qui ont essentiellement voulu affermir les catholiques dans leur foi, François cherche à les bousculer, à ouvrir les fenêtres. Comme le dit le journaliste Frédéric Mounier, François est le pape « du pied dans la porte ». Au détour d’un entretien, il lance une poignée de débats, questionne l’accueil des personnes divorcées-remariées, le mode de gouvernance dans l’Église, le rapport à la liturgie… De même, s’il refuse de soumettre la morale à la logique du monde, il souhaite qu’elle soit interrogée par lui. Puis il se retire, laisse tout le monde dans la spéculation et l’indécision, et observe ce qui se mijote au gré des réflexions. Il en résulte un Pape qui n’a pas changé la doctrine, mais qui a fait de la « pastorale » son terrain de prédilection. « Je ne change pas l’horizon proposé, explique en substance François, mais les chemins que nous empruntons pour le rejoindre sont-ils toujours accueillants et ajustés ? »
En ce sens, il apparaît comme un salvateur caillou dans la chaussure des catholiques. Il les oblige à se retourner, interroger ou élargir les sentiers. Notons qu’il l’est tout autant pour le monde. Plusieurs de ses appels au pardon, ses cris en faveur de la justice sociale, de l’écologie et de la dignité des personnes humaines, ses critiques parfois très graves envers le réarmement, le capitalisme, des choix bioéthiques ou le rejet des migrants interrogent frontalement nos sociétés. Le pontificat de François n’est certes pas dénué de paradoxes, mais il a ce grand mérite de nous obliger à l’introspection.
Un édito de Bosco d’Otreppe paru dans La Libre.be du 12-03-2023
A lire aussi :
« En 2013, le Pape a retourné les cardinaux en trois minutes et demie »