Dans un monde qui change, changer de posture

L ’Église catholique connaîtrait-elle une crise terminale ? Certains le disent. Crise, cependant, ne signifie pas nécessairement disparition, mais plutôt mutation et opportunité. Nous ne sommes plus au temps des premiers chrétiens où la voie ouverte par Jésus apparut comme une nouveauté bienfaisante et libératrice, ni à celui des cathédrales où le christianisme imprégnait toute la société. Après un XIXe siècle de résistance à la modernité et le concile Vatican II de l’ouverture, nous sommes devenus ce petit reste évoqué par le prophète Sophonie (1). Nous ne sommes toutefois pas revenus au stade des trois premiers siècles. Le monde et nous-mêmes avons bien changé.

« Nous étions ceux qui détiennent la vérité et qui enseignent. L’espérance chrétienne peut se dire dans un autre langage que celui hérité du catéchisme. Au lieu d’attendre que les gens viennent à nous, nous sommes appelés à les rejoindre là où ils en sont et voir ce qu’il y a moyen de célébrer avec eux sans forcer leur adhésion. » Photo issue du journal Dimanche

Le monde et l’Église

L’air du temps est désormais à la non-évidence de Dieu et à la suspicion à l’égard des religions instituées. Le choc de la science a détourné bien des gens de la foi. Les jeunes ont appris à être heureux sans Dieu. La transmission est en panne. La fuite en avant des technologies dessine une société de plus en plus inégalitaire. Nous assistons aussi à un éloignement anthropologique et éthique par rapport au message chrétien. Ceux qui s’engagent pour une société nouvelle ne se réfèrent ni à l’Évangile ni à l’Église. Et tout cela dans un contexte de crise écologique et civilisationnelle.

L’Église, quant à elle, ne se porte pas bien. Le système clérical ne fonctionne plus. L’institution a perdu toute crédibilité et elle est même devenue un obstacle. La baisse de la pratique religieuse est drastique (moins de 2% de pratiquants réguliers) et la diminution du nombre de prêtres et de bénévoles, catastrophique. Notre discours symbolique apparaît mythologique et ésotérique, compréhensible par la seule tribu. Tout ceci sans parler de la crise des abus.

Le grand risque est de se contenter de survivre, les yeux fixés sur le présent en prenant pour référence un passé révolu. Or, il s’agit de vivre dans ce monde et de donner corps à l’audace et à la radicalité évangéliques. François nous invite sans cesse à être une « Église en sortie« .

Une nouvelle posture

Dans ce contexte, un changement de posture est à opérer. Il nous faut d’abord être en paix avec notre situation minoritaire, renonçant à la manie des statistiques. Nous ne serons plus ceux qui ont l’initiative, comme lorsque la paroisse organisait tout dans le village. Il s’agit de nous considérer comme invités et non comme ceux qui dirigent.

C’est au coude à coude que nous travaillerons avec nos contemporains, partageant un même combat pour une société plus juste et plus humaine. La mission est en effet plus importante que l’institution. Nous nous ferons conversation comme nous y invitait le pape Paul VI. « L’Église doit entrer en dialogue avec le monde dans lequel elle vit. L’Église se fait parole ; l’Église se fait message ; l’Église se fait conversation. » (2)

Des chrétiens pourront créer, chacun selon son charisme, des lieux de service à la société, mais sans trop de couleurs religieuses afin de pouvoir aider un plus grand nombre, sans pour autant perdre leur identité. Notre posture langagière sera aussi à reconsidérer. Nous étions ceux qui détiennent la vérité et qui enseignent. L’espérance chrétienne peut se dire dans un autre langage que celui hérité du catéchisme. Au lieu d’attendre que les gens viennent à nous, nous sommes appelés à les rejoindre là où ils en sont et voir ce qu’il y a moyen de célébrer avec eux sans forcer leur adhésion. Nous pouvons offrir du sens en étant témoins audacieux, mais sans toutefois présenter notre message comme un acquis ou comme le seul possible. Dans le cadre de l’œcuménisme chrétien et du dialogue entre les religions, il faudra se tenir sur pied d’égalité.

Pour le fonctionnement ecclésial, la culture du clocher fera place à un réseau de communautés affinitaires et intenses. En milieu urbain notamment, une variété de propositions, de sensibilités, de spiritualités peuvent en effet trouver leur place.

Assurément, nous terminons une page de l’histoire de l’Église. Terminons-la bien. Rendons grâce pour tout ce que nous avons pu vivre et encourageons tout ce qui naît. « A vin nouveau, outres neuves« , disait Jésus.

(1) Sophonie 3, 12-13.

(2) Paul VI, encyclique Ecclesiam Suam, 6 a

Tiré du journal Dimanche du 30 avril 2023

Charles DELHEZ, s.j.

Curé de Blocry,

Conseiller spirituel des Equipes Notre-Dame

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