Notre-Dame du sourire

Qui est vraiment la Vierge Marie que les catholiques fêtent le 15 août ? Le 15 août, pour les catholiques, est la fête de l’Assomption.

Récemment, je lisais dans votre journal favori, que le premier portrait d’un visage qui sourit, fut une peinture de Notre-Dame (Niccolo di Pietro, XIVe siècle, Galerie de l’Académie, Venise). Cela ne me semble pas étonnant : Marie est le sourire que Dieu nous adresse.

©Wikipedia ©Nicolo di Pietro

Méfions-nous d’une religion austère. Tout naturellement, nous projetons sur le Créateur nombre de traits idéalisés de notre humanité. Dieu serait l’Être le plus grand, le plus beau, le plus juste, etc. Ce qui n’est pas faux, mais comporte le risque de confondre l’Éternel avec un surhumain sublimé, sorte de croisement entre un patron parfait et superman. Mais non : Dieu est Dieu. Ce n’est pas lui qui est le reflet de nos imaginaires, mais nous qui sommes le fruit de son amour. Ceci explique que Dieu se révèle rarement là où nous l’attendons. Il n’est pas dans l’ouragan ou le grand feu, mais dans la “brise légère” (1 Rois 19, 8-13). Il ne se comporte pas en maître, mais en serviteur qui “lave les pieds de ses disciples” (Jean 13, 1-17). Et que dire d’un Dieu cloué nu, au gibet de la croix ? “Nous, nous prêchons Christ crucifié, scandale pour les Juifs, et folie pour les Grecs” (1 Cor 1, 23).

Dieu n’est donc pas le fruit de nos projections mentales, pas plus que Notre-Dame. Une savante critique historique aime à faire un lien entre la vierge de Nazareth et la déesse égyptienne Isis, mère d’Horus – modèle du pharaon. Comme ce mythe était devenu extrêmement populaire dans l’empire romain à l’époque du Christ, nos chercheurs émettent l’hypothèse que l’image d’Isis a fortement nourri l’imaginaire chrétien de la Vierge à l’Enfant. Cela est vraisemblable, mais ne doit pas nous faire conclure pour autant que la dévotion mariale n’est qu’un habillage chrétien d’un culte égyptien. Le Dieu chrétien n’est pas quelque abstraction lointaine que l’homme tente d’approcher par sa raison et son imaginaire. Il est un cœur brûlant qui se rend intime jusqu’à épouser notre humanité en Jésus de Nazareth. Ce Dieu qui nous connaît mieux que nous-mêmes, n’ignore rien du rôle affectif et effectif d’une maman. Il présente, dès lors, celle qui engendra son Verbe à l’humanité, comme mère universelle sur les chemins du Royaume. Marie, dont le “fiat” [la réponse de Marie à Dieu acceptant d’être la mère de Jésus NdlR] est le modèle de tous les “oui” que nous sommes invités à dire, est cette bonne mère que l’on prie et qui veille. Son sourire accompagne l’Église en pèlerinage sur la terre.

“Oui, mais…”, m’objecte-t-on, “faut-il pour autant croire en la naissance virginale du Sauveur” ? N’est-il pas plus sain de reconnaître que Jésus est non seulement né de Marie, mais tout aussi naturellement issu de Joseph ? À chacun sa réponse, mais cela a du sens d’affirmer, avec la foi de l’Église, que le Verbe incarné est la nouvelle création. En fécondant Marie, l’Esprit régénère notre monde brisé. Notons que la première génération des disciples aurait plutôt eu intérêt d’affirmer que Joseph – réputé de descendance davidique – était le père biologique de Jésus. Et pourtant, ce ne fut jamais le cas – et ce, dès les plus anciens documents du Nouveau Testament. On parle de Jésus comme “fils de Marie” et non de Joseph (Marc 6,3) et saint Paul affirme qu’il est “né d’une femme” et non d’un homme (Gal 4,4). D’ailleurs, les premières polémiques antichrétiennes n’affirment pas davantage que Jésus serait le fils de Joseph, mais arguent d’une naissance adultérine des œuvres d’un centurion romain (cf. Celse, Contre les chrétiens, IIe siècle).

Il y a quelques jours, je croisais dans une rue de Liège, un colosse barbu, aussi musclé que tatoué, une blonde à ses côtés et une petite fille dans les bras. Autour de son cou pendait un impressionnant chapelet. L’aura de la Vierge reste puissante auprès de nos contemporains, réputés totalement sécularisés. Sans doute est-ce parce qu’ils sentent confusément que Marie est ce sourire que Dieu nous adresse.

Une chronique d’Eric de Beukelaer parue dans La Libre du 15 août 2022.

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