Après un premier article, publié et écrit au terme de la semaine de prière pour l’unité des chrétiens, voici la suite. Il est le fruit de respectivement, Laurence FLACHON, pasteure protestante et Charles DELHEZ, prêtre catholique. Dans cette seconde partie, les 2 auteurs parlent de synodalité et d’œcuménisme : « C’est cette diversité que nous avons à apporter au monde et non nos divisions. »

Une parole aux visages divers
Le terme de Synode vient du grec et signifie « faire route ensemble ». Du côté protestant, il désigne une assemblée délibérative constituée des délégués pasteur.es et fidèles – des paroisses qui décident ensemble des orientations à donner à la vie de l’Église.
Mais au-delà du terme, utilisé par nos différentes confessions chrétiennes, l’image qu’il véhicule est riche de significations : faire route ensemble, c’est reconnaître l’autre comme un compagnon, une compagne, sur un chemin qui se construit au fur et à mesure du partage de nos joies et de nos difficultés sans que les différences qui demeurent ne soient plus fortes que l’amitié et le respect ainsi tissés. Faire route ensemble, c’est être attentif à l’autre, à son rythme et à ses essoufflements, l’encourager quand la fatigue, face à l’épreuve, se fait trop lourde.
Dans un monde aussi complexe et éclaté que le nôtre, cette diversité permet de rencontrer nos contemporains dans leurs sensibilités différentes. Elle nous rappelle que personne n’a encore atteint la vérité plénière. Il nous faut réfléchir aux conditions d’une parole chrétienne qui soit à la fois crédible et pertinente aujourd’hui et pour ce monde sans nous laisser entraver par une histoire jalonnée de conflits et de désaccords qui doivent être repensés et « re-mis en paroles » comme on remet en contexte.
Cette parole, aux visages divers mais à l’enracinement unique en Christ, est une parole qui, non seulement cherche à rejoindre les préoccupations de nos contemporains, mais aussi se laisse rejoindre par eux. Si nous voulons témoigner, il nous faut d’abord écouter, si nous voulons inspirer, il nous faut d’abord avoir l’humilité de reconnaître nos propres échecs et peser nos paroles. L’Évangile mérite mieux qu’un moralisme culpabilisant qui divise au lieu de relever !
Parler et agir ensemble
Où se joue la crédibilité ? Dans la cohérence entre ce que nous croyons et la manière dont nous agissons. Il nous faut donc être attentifs à tout ce qui peut constituer un « contre-témoignage » : le refus de l’accueil et du dialogue avec l’autre – quel qu’il soit ; le dogme, lorsqu’il se sclérose en des débats d’un autre temps ; l’indifférence vis-à-vis des souffrances et des injustices vécues.
Face aux fake news et aux « réalités alternatives » dont les réseaux sociaux amplifient considérablement l’audience, notre responsabilité chrétienne ne se joue-t-elle pas dans notre capacité à tenir ensemble le courage de la nuance – qui permet le débat sans faire de l’autre un ennemi – et le courage d’une parole vraie qui se donne pour tâche de faire redécouvrir la saveur d’un évangile à la fois subversif et libérateur ?
Parler et agir ensemble pour dire la grâce infinie de Dieu qui aime et reconnaît chacun d’entre nous, un Dieu qui se tient à nos côtés pour traverser l’épreuve et nous invite à choisir en toutes circonstances ce qui fait vivre – c’est-à-dire ce qui encourage, console, remet en route.
Parler et agir ensemble pour ceux et celles qui sont victimes de la pauvreté, de la violence, de discriminations diverses. Parler et agir ensemble en faveur d’un traitement juste et digne de chaque être humain, mais aussi de l’ensemble de la création.
« Pour moi, la vie spirituelle, c’est le devoir de sortir de la maison de la peur pour entrer dans la maison de l’amour« , écrivait Henri Nouwen. Cette maison se construit patiemment chaque fois que nous avons l’audace de nous laisser transformer par ce qui jaillit de la rencontre.
Article paru dans la Libre.be le mardi 25 janvier 2022, dans la rubrique Débats – Opinion :