Au cœur du silence, un cri

Au Congo, le docteur Mukwege fait barrage à la violence. Et nous, comment pouvons-nous participer à la paix ?

 » Là où je suis et tel que je suis, comment puis-je contribuer à rompre l’empire du silence, afin que la lumière de la crèche fasse briller Noël en moi et autour de moi ? « 

L’Empire du silence, nouveau film du réalisateur liégeois Thierry Michel, sort sur les écrans. Ce documentaire de près de deux heures, est le dernier-né d’une série de treize, consacrés à l’actualité en République démocratique du Congo. « Mobutu, roi du Zaïre », « Congo river », « L’affaire Chebeya », « L’homme qui répare les femmes » et les autres, sont autant de cris d’amour pour ce pays-continent. Avec pédagogie et minutie, L’Empire du silence retrace les horreurs des deux guerres du Congo (1996-1997 et 1998-2003), entraînant dans leur sillage une procession de massacres. Ce documentaire-vérité est une œuvre de mémoire, car la plupart de ces tueries furent perpétrées dans un silence… de mort, tant de la part des autorités du pays que de la communauté internationale. Cette dernière était et reste muselée par la mauvaise conscience, vu que les deux guerres du Congo sont une conséquence, par ricochet, du glaçant génocide rwandais, que l’Occident n’a pu, ou voulu, empêcher.

Le film de Thierry Michel est dur – très dur – car il ne détourne pas le regard. Qui sont les victimes ? Des hommes, des femmes et des enfants, pris en tenaille par un conflit qui les dépasse. Qui sont les bourreaux ? Ils sont légions, du chef de guerre (depuis reconverti en puissant notable) à l’enfant soldat. Qui sont les justes ? Ils sont rares, car face à pareille furie destructrice, sauver une vie traquée, c’est risquer la sienne. La plupart des héros ordinaires sont, dès lors, aujourd’hui ensevelis dans la fosse commune de l’histoire. Une voix a cependant pu survivre, protégée par sa renommée grandissante : au milieu de l’empire du silence, retentit le cri du docteur Denis Mukwege. « L’homme qui répare les femmes » fait barrage au torrent de violence aveugle, pour en appeler aux principes fondateurs de l’humanité. Son hôpital de Panzi est un îlot de consolation, au milieu d’un océan de larmes. Le cri de ce médecin, prix Nobel de la paix, me rappelle L’Œuvre au noir de Marguerite Yourcenar – un roman qui, à l’image de son titre, est hanté de personnages sombres. À une exception près : le prieur des Cordeliers. La lumière de cet homme bon rayonne dans le livre. Il en va de même pour Mukwege : au cœur de l’horreur ordinaire, se dresse un juste. Et cela change tout, tel un phare illuminant la nuit.

Et nous, que pouvons-nous faire, afin d’éclairer ce monde plongé dans les ténèbres ? Pour se préparer à la lumière de Noël, les quatre semaines de l’Avent sont proposées. Durant ce temps liturgique, un personnage occupe l’avant-scène : Jean le Baptiste, qui est décrit dans les Évangiles comme « la voix qui crie dans le désert » (Luc 3,1-6). S’identifiant à l’annonce jadis faite par le prophète Isaïe (40,3), le Baptiste choisit d’écouter la Voix intérieure qui lui enjoint de « préparer les chemins du Seigneur, de rendre droit ses sentiers ». Aucun obstacle, aucune intimidation ne l’arrête. « Tout ravin sera comblé, toute montagne et toute colline seront abaissées ; les passages tortueux deviendront droits, les chemins rocailleux seront aplanis ; et tout être vivant verra le salut de Dieu. » Hérode Antipas fera taire la voix rauque du grand prophète, mais son cri a traversé les siècles. Un cri qui nous réveille de notre torpeur spirituelle. Nous ne pourrons empêcher toutes les guerres, mais bien être artisan de paix. Et pour ce faire, il convient de d’abord faire la paix en nous, afin de vivre en paix avec nous. La pandémie ralentit la vie. Profitons-en pour nous poser les bonnes questions : là où je suis et tel que je suis, comment puis-je contribuer à rompre l’empire du silence, afin que la lumière de la crèche fasse briller Noël en moi et autour de moi ? C’est dans la mesure où nous parviendrons à répondre à pareille question que la fête qui vient sera pour nous – en vérité – illuminée d’une authentique joie.

Une chronique de Eric de Beukelaer

2 réflexions sur “Au cœur du silence, un cri

Faites-nous part de votre commentaire !

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s