Voici quatre bonnes pratiques actuelles qui permettent de lutter contre les dérives au sein de l’Église. Le regard du prêtre Eric de Beukelaer.

Dans son rapport sur la pédocriminalité dans l’Église catholique en France, la commission Sauvé a lancé – outre des recommandations pour éradiquer le fléau et faire droit aux victimes – un appel à prendre en compte l’aspect « systémique » du scandale. Quels comportements habituels en Église constituent un terreau propice aux abus ? Pareil examen de conscience interroge les angles morts de la vie ecclésiale, par où le Père du mensonge passe sa langue fourchue. D’aucuns affirment que ces déviances systémiques ne pourront être corrigées que moyennant une révolution ecclésiale, portée par un nouveau Concile. L’avenir reste à écrire, mais la simple mise en œuvre des enseignements du Concile Vatican II permet d’ores et déjà de faire du chemin. Diverses bonnes pratiques actuelles ouvrent la voie. J’en énumère ici quatre, que la démarche synodale proposée par le pape François, pourra davantage encore faire fructifier :
- Briser la culture de caste. En agriculture, la monoculture épuise les sols fertiles. Seule une polyculture permet l’exploitation durable et respectueuse de l’environnement. Il en va de même en Église. Nombre de conseils épiscopaux (soit le conseil de gouvernement de l’évêque) sont pour cette raison désormais composés de manière plus équilibrée d’hommes et de femmes, de clercs et de laïcs, de célibataires et de personnes mariées. L’objectif de pareille évolution n’est pas de donner des gages de « progressisme » ou de « féminisme », mais bien de permettre un discernement ecclésial, porté par des regards issus de vocations diverses. Voilà pourquoi aussi, les curés sont aujourd’hui invités à exercer leur ministère, entouré d’une équipe pastorale plurielle, qui soit coresponsable.
- Empêcher les prises de pouvoir. Au cours du dernier repas avec ses disciples, Jésus laissa deux signes : l’Eucharistie et le lavement des pieds. Ne séparons pas ce que le Christ a uni. Il n’a pas de légitimité spirituelle à célébrer ou vivre l’Eucharistie, le clerc ou le laïc dénué d’un authentique esprit de service. C’est une des raisons pour lesquelles, de plus en plus, les nominations en Église sont accompagnées d’un mandat limité dans le temps. Un jour, on est nommé responsable. Le lendemain – le mandat ayant expiré – on redevient simple troupier. Ce principe n’est pas généralisable partout, mais sa logique est pleine de sagesse : celui qui occupe une responsabilité sans échéances aura plus facilement la tentation de se sentir détenteur d’une aura spirituelle, alors qu’il n’est que le serviteur d’une cause qui le dépasse, l’Évangile porté par l’Esprit.
- Démasquer la sexualité infantile. La sexualité est une dimension constitutive de toute humanité, en ce compris pour les célibataires qui s’engagent à l’abstinence pour le Royaume. Longtemps, elle fut une question refoulée, évoquée en des chuchotements gênés. Il est heureux que dans la formation donnée dans les séminaires et noviciats, elle soit désormais travaillée en vue d’une maturité spirituelle adulte et incarnée.
- Éviter une culture malsaine du secret. L’Église discerne sur ses membres, à partir de leurs faits et gestes. Ceci est nécessaire pour conférer des missions, mais comporte le risque que se cultivent de malsaines cachotteries. Garder inutilement pour soi des informations, mêmes innocentes, sans mettre l’intéressé au courant, c’est détenir un pouvoir sur lui. Évolution encourageante – j’en suis témoin dans le diocèse de Liège – la collaboration avec des professionnels en sciences humaines (assistants sociaux, psychologues…) aide à combattre pareille tentation. Ainsi, quand des paroissiens se plaignent d’un clerc (ou l’inverse), les plaignants sont reçus, mais également celui dont il est question. La confrontation est parfois rude, mais elle permet de se dire les choses en conscience et en Église. « Qui fait la Vérité, vient à la lumière ». (Jean 3, 21)
Extrait de lalibre.be du 22/10/2021