Le tout Autre

Commentaire de l’Évangile de ce dimanche 20 septembre.

« Mon ami, je ne suis pas injuste envers toi. N’as-tu pas été d’accord avec moi pour un denier ? Prends ce qui te revient, et va-t’en. Je veux donner au dernier venu autant qu’à toi : n’ai-je pas le droit de faire ce que je veux de mes biens ? Ou alors ton regard est-il mauvais parce que moi, je suis bon ? » Mt 20, 1-16

« Dieu a créé l’homme à son image, l’homme le lui a bien rendu. » Formule en miroir amusante, retournant la maxime chrétienne « Dieu a créé l’homme à son image » et signifiant que l’homme a tendance à imaginer Dieu en lui attribuant les qualités et les défauts que peuvent avoir les hommes. La parabole de l’ouvrier de la onzième heure en atteste !

Voltaire, qui n’est pas un père de l’Église, disait : « Dieu a créé l’homme à son image, l’homme le lui a bien rendu. » Par-delà l’ironie grinçante et pas toujours bien intentionnée du philosophe, il faut reconnaître que, bien souvent, nous voudrions réduire Dieu à ce que nous attendons de lui ou projeter en lui nos fantasmes, nos désirs ou nos difficultés. Eh bien les textes de ce dimanche, à l’image de toute la révélation biblique, nous disent clairement que le Dieu d’Israël, le Dieu de Jésus Christ est à la fois le très proche mais aussi le tout autre.

Très proche parce que tout sauf insensible aux demandes, aux peines et aux joies de ses enfants, le Dieu d’Israël est un Dieu qui intervient dans la vie de son peuple. Mais tout autre car, comme l’écrit Isaïe, et avec lui tous les prophètes : « Autant le ciel est élevé audessus de la terre, autant mes chemins sont élevés au-dessus des vôtres, et mes pensées, au-dessus de vos pensées. » Parce que, comme l’écrit encore Osée : « Je suis Dieu et non pas homme » Dieu, parce qu’il est Dieu et pas homme ne raisonne pas, n’agit pas comme les hommes. Et c’est plutôt une très bonne nouvelle. La parabole des ouvriers de la onzième heure que nous livre Jésus ce matin ne dit pas autre chose. Chez les hommes, il y a presque toujours concurrence entre la justice et la miséricorde, être juste ou bon, il faut choisir. C’est ce qu’on a encore vu récemment lors de la discussion de la loi pénale. Le débat, binaire, était grosso modo le suivant : si vous proposez des aménagements de peine, vous êtes parfois légitimement taxés de laxisme, si vous êtes plus fermes on vous reproche de ne pas laisser de chance à celui qui a commis une faute ou un crime. En Dieu, et grâce à Dieu, cela ne fonctionne pas ainsi, Dieu merci ! En Dieu, justice et miséricorde ne sont pas antagonistes : Dieu est à la fois très juste et très bon. La justice de Dieu est comme enveloppée, sous tendue par sa miséricorde. La parabole est admirable à ce sujet : le maître de la vigne n’a en rien lésé les ouvriers de la première heure, il leur a donné ce qu’il leur devait, une pièce d’argent ce qui est d’ailleurs un salaire objectivement exorbitant. En revanche il a manifesté auprès des derniers la surabondance de sa bonté. Et ce faisant, il démasque chez les premiers donc, chez tous, la jalousie, ce péché archaïque, celui qui correspond précisément à la vieille tentation du serpent de la Genèse, tapi au fond du cœur de chacun d’entre nous, c’est peut-être d’ailleurs cela le péché originel : « Vas-tu me regarder avec un œil mauvais parce que moi, je suis bon ? »

Oui notre Dieu, le Dieu d’Israël, le Dieu de Jésus-Christ est Dieu et pas homme, et d’ailleurs quand il rejoint l’homme, quand il se fait homme en Jésus-Christ, il agit de manière très souvent paradoxale. Dimanche dernier, nous contemplions la Croix, la Croix glorieuse. Qu’est-ce à dire : que Dieu en Jésus ne manifeste jamais plus sa toute-puissance que dans la radicale impuissance désarmée d’un corps livré, exposé, abîmé. Aujourd’hui Dieu en Jésus-Christ nous dit qu’il ne manifeste jamais mieux sa justice qu’en faisant éclater la surabondance de sa miséricorde. Une autre parabole, celle des talents, va dans le même sens : Dieu ne sait pas compter, il n’a pas la mentalité d’un boutiquier mesquin, il ne compte pas quand il nous confie le trésor de sa grâce, la mesure de son amour est selon le beau mot de saint Bernard de Clairvaux d’aimer sans mesure. Voilà pour Dieu, et nous que devons-nous faire ? « Quant à vous, écrit Paul, menez une vie digne de l’Évangile du Christ » Certes, l’Évangile n’est pas un manuel de management, de science économique ou politique et nous ne pouvons pas appliquer littéralement le comportement de Dieu dans la gestion de nos affaires temporelles, ne serait-ce que parce que nous sommes hommes et nous ne sommes pas Dieu, attention l’enfer est pavé des meilleures intentions. Mais, car il y a un mais, un mais très important. Mais l’Évangile nous invite à revoir notre rapport à la puissance, à la domination, à la reconnaissance. Certes nous ne sommes pas Dieu mais l’Évangile nous oblige. Si notre justice est strictement comptable, si nous exerçons une autorité à la manière strictement humaine, si nous ne nous laissons pas toucher par le pauvre et ne desserrons pas le cordon de nos pauvres bourses, que reste-t-il de l’Évangile dans nos vies ? L’Évangile nous invite simplement à la bonté, à élargir notre cœur, à ce qu’on appelait au XVIIème siècle du beau nom de magnanimité. Aujourd’hui laissons-nous interroger par Jésus : « Quel impact concret a l’Évangile, l’Évangile de la miséricorde, de la surabondance, dans ma vie concrète ? » Amen

Homélie extraite du site, https://secteur-palaiseau.evry.catholique.fr/

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