Et pour vous qui suis-je ?

La question adressée aux disciples, dans l’Évangile de ce dimanche, est aussi pour nous : « Et pour vous, qui suis-je? »

Question que nous pose Jésus aujourd’hui : « Et pour vous qui suis-je ? »

Et Simon ? Le fougueux apôtre, mais aussi le faible… reniera Jésus ! Et pourtant Jésus lui fait confiance, il deviendra Pierre, le roc sur qui l’Église sera bâtie…

A nous aussi Jésus fait confiance… A chacun d’y croire et de trouver sa mission.

Belle homélie de frère Marc de l’abbaye d’Orval. Elle est pleine d’humour mais aussi éclairante.

 Homélie de ce dimanche 22 août 2020 (Matthieu 16, 13-20)

Après deux années d’activité publique, Jésus veut évaluer quelle est la réception de son message auprès du peuple, et aux apôtres il pose la question : “ Au dire des hommes, qui est le Fils de l’homme ?” La réponse est décevante. Les gens pensent qu’il est la réincarnation de quelqu’un du passé. Une figure fantomatique donc. Si tu es une réincarnation, tu n’es qu’un numéro de répétition sans contenu propre ni responsabilité. Tu reviens hanter les lieux et faire un coup à la Elie ou à la Jean Baptiste. Tu es quelque chose du passé : un pauvre Messie éteint. C’est donc cela l’idée des gens … Et de nos jours ?

Plein d’espoir, Jésus se tourne maintenant vers ses disciples : “Et vous, qui dites-vous que je suis ?” C’est à nous qu’il le demande aujourd’hui. Nous n’avons pas encore le temps de formuler une réponse, que Simon se jette déjà à l’eau. Évidemment, celui-là ne réfléchit jamais. Simon est un boute-en train spontané qui réagit sur le champ. Nous pouvons nous poser la question si quelqu’un de si impulsif peut bien faire un bon meneur pour le mouvement que Jésus vient démarrer. Simon zigzague continuellement d’une impression à l’autre. Téméraire, il pense pouvoir marcher sur les eaux, alors qu’il s’enfonce aussitôt dans le doute et dans l’eau (Mt 14, 28 – 33).  Simon déclare qu’il donnera sa vie pour Jésus, et il le renonce par trois fois (Mt 26,33; 26,69-75). Il dit à Jésus qu’il a tout quitté pour le suivre (Mt 19,27), mais de saint Paul nous apprenons qu’il emmène une épouse sur ses voyages de mission (1 Cor 9,5). Quand il est seul chez les païens, il se montre large d’esprit, mais il tourne casaque dès qu’ils arrivent des juifs (Gal 2,14). Quel crédit pouvons-nous faire à quelqu’un d’aussi instable, quand il déclare à Jésus : “Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant.” ?

Jésus a manifestement perçu ce problème, et il riposte promptement que cette confession ne peut pas venir de Simon, le fils de Jonas. Elle vient du Père de Jésus qui est au ciel. Dans son Eglise, Jésus ne dispose que de personnes branlantes, mais elles sont porteuses de la foi en la Parole qui vient du Père. L’impulsif Simon a parlé avec amour et foi. De Jésus il recevra un nom nouveau. En Orient, avec le nom, on donne un projet de vie. Le faible Simon devra devenir une pierre de roc, un roc inébranlable dans la foi, un roc aussi de ligne de conduite constante. Jésus dit à Simon : “Tu es Pierre”, et cela précisément il ne l’est pas du tout : c’est ce qu’il doit le devenir. Jésus voit son Église en devenir. Il ne la construit pas sur ce que nous sommes par nous-mêmes. Il bâtit son Église sur le dynamisme de l’Esprit que Dieu nous donne. Et l’Esprit nous met dans le cœur le projet que Jésus a pour chacun de nous. Son Église est orientée vers l’avenir. Elle accompagne l’humanité dans son évolution.

Jésus nous confie quelque chose d’important de sa vision sur l’Église. L’Église n’est pas bâtie sur des qualités humaines ou sur le prestige. Pierre peut être faible et émotif, il peut être tremblant de Parkinson : cela ne touche pas à l’être de l’Église. L’Église de Jésus est fondée sur la Parole qui vient de Dieu, et qui est accueillie dans une foi inébranlable.  Elle ne fonctionne pas comme une entité politique, mais comme une communauté de foi. Quand, à notre tour, nous reconnaissons Jésus comme le Christ, Fils du Dieu vivant, nous recevons, nous aussi, un nouveau nom, une mission de Dieu, un projet de vie pour porter l’Église.

Dans les Églises chrétiennes, on s’est posé parfois quelques questions au sujet du sens des paroles : “Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église”. Sont ces paroles vraiment de Jésus, ou est-ce qu’elles ont été mises plus tard dans la bouche de Jésus pour confirmer l’autorité de Pierre dans la première Église à Rome ? A y regarder de plus près, ces paroles ont bel et bien été prononcées en araméen, et elle n‘ont pas été rédigées en grec, la langue en ce temps usuelle à Rome. En effet, en araméen ‘kefa’, roc, est du genre masculin. Jésus pouvait donc dire “Tu es Kefas et sur cette kefas je construirai mon Église”. Dans le grec, cela ne colle pas, car le roc ‘petra’ est du genre féminin, et cela devient : “Tu es Petros et sur cette petra je construirai mon Eglise”. Ces mots de l’évangile sont donc bien originaires de Palestine et non pas de Rome.

Il y a encore une deuxième question : est-ce que la déclaration de Jésus vaut uniquement pour Pierre personnellement, ou aussi pour ses successeurs ? Si les paroles de Jésus n’avaient été valables que pour Pierre, à la mort de celui-ci, il y aurait eu des commotions et des remous dans l’Église. Si l’Église avait été fondée sur Pierre à titre personnel, à sa mort on aurait dû penser à une autre structure ecclésiale. Nous constatons de fait que, pendant quinze siècles, la communauté de l’Église a transféré sans problèmes les paroles de Jésus sur les successeurs de Pierre. Pendant tout ce temps, l’Église a porté les faiblesses des successeurs de Pierre – et elles n’ont vraiment pas manqué ! – dans la conscience que l’Église n’est pas fondée sur un statut humain, mais sur le rocher de la foi en la Parole de Dieu que nous portons en communauté avec Pierre. Le ministère de Pierre est basé, non sur le pouvoir, mais sur la confession de foi. C’est pourquoi les puissances de la mort n’auront pas de force contre elle : elle n’est pas une entité de pouvoir. Elle est de l’ordre de l’amour où nous nous portons les uns les autres dans le Christ. Ce n’est que dans cet amour que le visage du Christ peut redevenir visible dans notre monde.

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