Pour qui vote la Vierge Marie ?

Pour oser une réponse, analysons les grandes tendances politiques en croisant deux axes : l’axe droite-gauche et l’axe particulariste-universaliste.

Notre-Dame de l’abbaye d’Orval

Ce 15 août, l’Église fête l’Assomption de Marie. À la fin de sa vie terrestre, la mère du Sauveur fut pleinement associée à la résurrection de son Fils. Celle qui par son « oui » total à l’œuvre de l’Esprit est modèle du chrétien, nous précède dans notre destinée en espérance. Puisque Notre-Dame est l’archétype du disciple du Christ, je m’autorise cette question – au mieux anachronique, au pire sacrilège : quelles sont les opinions politiques de la Vierge Marie ? Aujourd’hui, pour qui voterait-elle ?

Pour oser une réponse, analysons les grandes tendances politiques en croisant deux axes : l’axe droite-gauche et l’axe particulariste-universaliste. Une vision de droite s’ancre dans la sagesse du passé. Pour gérer la société avec efficacité, les citoyens ont à bâtir sur la glaise dont ils sont issus, charriant différences et inégalités. Une politique est creuse sans réalisme. Il est vain de vouloir créer une société de bisounours, comme le font les Gutmensch, ces naïfs qui se rêvent une humanité idéale, étouffée par un inaccessible idéal du bien. Une vision de gauche est guidée, quant à elle, par un projet d’avenir. Pour sortir la société de l’aliénation, les citoyens doivent militer pour le changement, vecteur de progrès. Une politique est stérile sans idéal. Il est antisocial de maintenir une société de domination, comme le font les réactionnaires, ces myopes qui prêchent qu’il n’y a pas d’alternative, afin de préserver le statu quo et ses privilèges. Une politique se veut particulariste, quand elle prend acte de ce qui distingue les humains et crée les barrières ou frontières. Une politique se veut universaliste, quand elle voit en l’humanité un projet global au sein d’une société mondialisée. Nous nous trouvons donc face à quatre types politiques : la droite particulariste des notables locaux (dans sa forme modérée) et des populistes identitaires (dans sa forme radicale). La droite universaliste des libéraux cosmopolites, adeptes du libre-échange et de la méritocratie. Les uns se méfient des superstructures supranationales, les autres les appellent de leurs vœux. Ainsi, les premiers sont plutôt hostiles à l’intégration européenne et les seconds y sont favorables. La gauche particulariste, porte-drapeau des minorités raciales, sexuelles, défavorisées… La gauche universaliste porte-parole de l’idéal des Lumières. Les uns défendent les revendications des plus faibles, les autres se battent pour l’égalité de tous. Ainsi, les premiers militent pour le droit des femmes musulmanes à porter le voile et les seconds y sont hostiles.

La consigne de l’Amour

Pour qui vote la Vierge Marie ? Est-elle de droite ou de gauche ? Est-elle particulariste ou universaliste ? Elle est de droite, celle qui est le modèle de la docilité à sa vocation : « Voici la servante du Seigneur, qu’il advienne en moi selon ta parole » (Luc 1,38). Elle est de gauche, celle qui par son « oui » à l’inédit de Dieu, renverse l’ordre du monde : « Il renverse les puissants de leur trône ; Il élève les humbles » (Luc 1,52). Elle est particulariste, cette fille de Sion qui proclame que la promesse faite à son peuple se réalise : « Il relève Israël son serviteur » (Luc 1, 54). Elle est universaliste, celle qui comprend dans son cœur que ce projet divin embrase tous les temps et tous les peuples : « Son amour s’étend d’âge en âge, sur ceux qui le craignent » (Luc 1, 50).

Le lecteur l’aura compris : archétype du chrétien, Marie ne se laisse pas enfermer dans une opinion. Une diversité d’options politiques sont donc légitimes, pourvu qu’elles respectent la dignité humaine au cœur de la création. Dieu ne donne pas de consigne de vote, si ce n’est celle de l’Amour. Et l’Amour n’est pas aveugle, mais nous regarde avec le réalisme de la droite et l’idéal de la gauche, partant de ce qui fait de nous des êtres à la fois si particuliers et tellement universels.

Une chronique d’Eric de Beukelaer parue dans www.lalibre.be de ce 13 août 2020.

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