La présence réelle du Christ au monde

L’Eucharistie n’est ni une cérémonie, ni un culte. Elle célèbre une manière de vivre.

Les églises ont été vides durant trois mois. L’étaient-elles parce que les croyants étaient sortis annoncer la Bonne Nouvelle ? Cela dit avec humour, bien sûr. Il est bon cependant de se rappeler que, si le Christ frappe à la porte de l’Église, comme aime dire le pape François, ce n’est pas pour entrer y retrouver ceux qui le prient, mais pour qu’ils le laissent sortir. Et, ajouterai-je, pour qu’ils sortent avec lui. La Pentecôte est la fête des portes ouvertes.

Ce que nous avons vécu durant le confinement était de l’ordre du palliatif. Certains ont fait le choix de se connecter sur les réseaux et d’assister à des messes virtuelles, mais hélas, il manquait ce coude à coude, et le pain réellement partagé en mémoire de Lui. D’autres ont choisi de remplacer la célébration par un temps de méditation et de prière personnelle. D’autres encore ont inventé des célébrations familiales ou en équipe. Il s’agissait de garder la lampe allumée, mais sans pour autant oublier la mission.

Le culte ou la mission ?

L’eucharistie n’est pas une technique spirituelle ou thérapeutique à côté de toutes les autres que nous trouvons sur le marché florissant des spiritualités, un produit de plus dans notre pharmacopée. Il y a une manière de concevoir la « présence réelle », estime François Cassingena-Trévedy, moine de Ligugé, qui confine Dieu et utilise le sacrement comme un remède personnel. Au Moyen-Age, n’avait-on du lutter contre la surconsommation en interdisant aux fidèles de communier plusieurs fois par jour ?

A l’occasion de la crise liée au coronavirus, le théologien tchèque Tomas Halik a pu rappeler avec force que « la présence réelle du Christ dans l’Eucharistie requiert la présence réelle des fidèles autour de la table », mais il ajoute : « et la présence réelle des chrétiens dans la société« . Au soir de Pâques, en effet, Jésus souffla sur ses disciples : « De même que le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie ». La mission passe avant la messe, sinon nous retombons dans la « religion » du « culte » et son gout du sacré contre lesquels Jésus s’est inscrit en faux.

L’Eucharistie n’est ni une cérémonie, ni un culte, qui sont autant de mots profanes. Elle célèbre une manière de vivre. Le cœur de la foi christique, c’est l’offrande de nous-mêmes aux autres, a ce monde que Dieu a tant aimé au point de lui envoyer son Fils unique. Elle est un rassemblement en vue d’une dispersion. Ite missa est ! Allez, vous êtes envoyés ! Le rituel devient alors second et nos disputes liturgiques devraient trouver leur terme.

La mission demeure

Nous « allons à la messe » pour construire ce corps du Christ ressuscité dont nous sommes les membres, chacun pour sa part. « Ceci est mon corps » n’est pas une formule magique, mais une parole adressée par Jésus a ceux qui étaient autour de la table ce soir-là pour que, partageant un seul pain avec Lui, ils fassent corps en Lui et partagent sa passion pour le Royaume. « Vous êtes le corps du Christ« , insistera saint Paul. Les Douze – et d’autres aussi, peut-être – étaient donc essentiels lors de la Dernière Cène. Ils inauguraient l’Église en mission jusqu’à la fin des temps.

Nous entrons dans une période de raréfaction des prêtres, de ceux qui peuvent « dire la messe », qui ont le « pouvoir » de consacrer. Ne serait-ce pas l’occasion de redécouvrir la communauté et la mission comme éléments essentiels ? La « fraction du pain » est un geste important, mais il y a aussi la mise en commun des biens, la vie fraternelle, l’écoute de la Parole. Sur la route d’Emmaüs, c’est après avoir parcouru les Écritures pour les interpréter que Jésus a rompu le pain. Mais toujours en vue de la mission.

Nous aspirons maintenant à retrouver ces lieux de fraternité que sont nos paroisses. N’oublions pas que tant de petits groupes se réunissent au nom de Jésus – il suffit d’être deux ou trois – pour garder mémoire de son Évangile, faire corps, s’enraciner en Dieu et repartir dans le monde y annoncer le Royaume. Même si les manières de célébrer l’eucharistie en Église varient, la mission demeure !

Charles Delhez

Tiré du journal DIMANCHE N°24 14 juin 2020 – LES MOTS POUR LE DIRE : « La présence réelle du Christ au monde » une chronique de Charles Delhez.

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