Les évangiles évoquent la Résurrection du Christ par des histoires diverses. Ont-elles été inventées ? Je ne crois pas.
Une chronique parue sur le blog d’Eric de Beukelaer.
Il y a peu, je participais à un débat faisant suite au film « L’Apparition » de Xavier Giannoli. Cette fiction a pour thème les apparitions mariales. Y est, entre autres, illustrée l’extrême prudence de la hiérarchie catholique face à de tels événements : « Nous préférerons ne pas reconnaître une véritable apparition, plutôt que de risquer d’accréditer une imposture », explique un ecclésiastique du Vatican au personnage central du film, incarné par Vincent Lindon.
Pareille retenue n’est pas toujours comprise. Et ce, jusque dans la salle de cinéma : « Vous n’aidez pas à construire la foi et semez plutôt le doute », me fut-il objecté. Vraiment ? J’aime me rendre à Lourdes, Banneux, ou tout autre lieu marial. Et je n’ai guère de difficulté à admettre l’authenticité des apparitions. Jamais, cependant, je ne considérerai que ceci fonde ma foi. L’Église laisse d’ailleurs les fidèles libres de croire ou non en leur caractère surnaturel. Si les apparitions nourrissent la ferveur, elles ne se veulent pas une preuve. Pourquoi ? La foi chrétienne est une adhésion du cœur et de l’intelligence au Mystère ultime et fondateur – nommé « Dieu » – qui a pris visage en Jésus de Nazareth.
Le mot « Mystère », dans la tradition théologique, n’a pas le même sens que dans le langage courant. Quand l’homme de la rue dit : « C’est mystérieux », il souligne qu’il n’y a pas grand-chose à comprendre. Le chrétien – lui – désigne par « Mystère », ce qui est infini et qu’il n’a, dès lors, jamais fini de découvrir. L’éducation reçue, le témoignage des saints, les rencontres, la réflexion, l’expérience intérieure, la vie spirituelle… Tout cela contribue à ce que – sous le souffle d’En-Haut – certains adhèrent au Mystère et professent : « Je crois. »
La foi est donc un acte de confiance, étranger au domaine du mesurable et du tangible. D’où la tentation de se guérir des doutes, par une fébrile recherche de phénomènes « merveilleux », en guise de preuve. Il s’agit là d’un piège pour la croissance spirituelle. Partons du cœur de la foi chrétienne, soit la résurrection du Christ.
Dans les 4 évangiles, les récits de la passion de Jésus se recoupent. Nous nous trouvons ici face à un événement historique, au sens classique du terme. Il en va de même pour la découverte du tombeau vide au matin de Pâques. Les 4 évangiles évoquent, par contre, la rencontre avec le Ressuscité par des histoires bien diverses. Un indice qu’elles ont été inventées et qu’il ne s’agirait que de paraboles censées exprimer que Jésus continue « à vivre dans le cœur de ses disciples » ? Je ne crois pas.
Si les chrétiens avaient imaginé ces récits, ils auraient veillé à les faire davantage coïncider. Et puis, surtout – le narratif diverge, mais l’expérience spirituelle converge. D’abord, les disciples ne reconnaissent pas le Christ et puis leurs yeux s’ouvrent. Il est là, mais bientôt leur échappe. Eux étaient abattus et soudain se redressent. Tous témoignent qu’ils ont fait l’expérience d’un « Plus-que-Vivant », ayant traversé la mort. Pour en parler, les mots manquent, mais cette rencontre « depuis l’autre Rive », les a réveillés et rendus intrépides.
Écoutons saint Paul, décrivant sa conversion : « Je connais un homme en Christ, qui, il y a 14 ans – si c’était dans le corps, je ne sais pas, si c’était hors du corps, je ne sais pas, Dieu le sait – un tel homme qui a été enlevé jusqu’au troisième ciel. Et je connais un tel homme – si c’était dans le corps, si c’était hors du corps, je ne sais pas, Dieu le sait – qui a été enlevé dans le paradis et a entendu des paroles inexprimables qu’il n’est pas permis à l’homme de prononcer. » (2 Cor., 12, 2-4) L’apôtre n’apporte pas de preuves. Il n’évoque aucun phénomène merveilleux. Paul témoigne de son expérience du Mystère d’amour. Une rencontre de feu qui le transfigura. Et l’éveilla à la liberté de l’Esprit.