Quel est ton carême ?

Si l’on entend bien le récit du livre de la Genèse, au commencement était l’être humain unifié : chair dotée d’une personnalité et, à la différence des animaux, animée d’un Souffle indissociable. Les aléas de l’Histoire et les malheurs des traductions successives finirent par imposer dans le christianisme une vision dualiste, celle d’un humain fait de deux éléments : un corps et une âme, cette dernière étant la lumineuse composante spirituelle descendue dans un corps matériel porteur, lui, de toutes les passions, de toutes les tentations. L’influence de Platon (5e siècle avant J.-C) est manifeste… Exit, donc, la belle et forte unité qui affirme qu’en l’humain, tout concourt à sa croissance…

« Et si nous commencions par nous demander : quelle est la pierre d’achoppement qui m’empêche de grandir autant que je le souhaiterais ? Appelons-là « tentation » si cela nous aide. » Photo tirée du Journal Dimanche

On ne peut évidemment que se réjouir de l’affaiblissement (sinon de la disparition complète) de cette consternante anthropologie. Ce fut l’un des fruits du concile Vatican II – en consonance, il est vrai, avec l’évolution de la société : la décennie 70-80 fut celle de la valorisation de l’individu, de sa réunification, pourrait-on dire. La médecine elle-même se fit plus « holistique », c’est-à-dire qu’elle prit en compte le lien mystérieux (et désormais confirmé par les neurosciences) qui existe entre notre esprit et notre chair. Prendre soin de son corps devint une injonction positive… ce que recommandait déjà saint Paul : Ne le savez-vous pas ? Votre corps est le temple du Souffle Saint, qui est en vous et que vous avez reçu de Dieu (1Co 6,15). En bon Juif, l’apôtre avait de l’humain une vision unifiée.

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Lecture de la semaine Sainte au regard de la mémoire morte et de la mémoire vive

La Semaine sainte n’est pas un pieux mémorial. C’est une manière de vivre. C’est la vie des humains. 

L’Évangile est Parole, c’est-à-dire non un contenu, mais une relation vive. Une Parole adressée à tout cœur qui l’écoute et la reçoit.

Ram et Rom. Ce n’est pas le titre d’une histoire pour enfants, mais bien la distinction que l’on fait, en informatique, entre deux types de mémoires. La Rom (Read Only Memory) stocke des données dans un espace plus ou moins grand ; la Ram (Random Access Memory) est un processus qui permet d’accéder aux informations. C’est pourquoi la première est appelée mémoire morte, et la seconde, mémoire vive. C’est cette dernière qui joue un rôle central dans un ordinateur ou un téléphone : on peut y stocker autant de données que l’on veut, s’il n’y a pas un processus qui active en temps réel ces données, elles sont inutilisables.

Aussi incongru que cela paraisse à première vue, on peut se demander de quelle mémoire relèvent la vie, la mort et la résurrection de Jésus-Christ ! S’agit-il de la commémoration d’événements qui se sont passés il y a plus de 2000 ans ? Cette commémoration est sans aucun doute importante et pleine de sens pour les croyants, qui en font le centre de leur vie de foi. Mais il y a quand même un problème : cela intéresse de moins en moins de monde… et cela ne change rien à la marche du monde, qui n’a que faire des souvenirs propres à un groupe de personnes. Si l’Évangile n’est qu’un mémorial, s’il nous ramène à un passé de toute façon inaccessible, c’est qu’il a perdu sa bouleversante puissance de transformation. Il est comme désactivé. Mémoire morte.

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