Spiritualité du pape François

Les écrits

Dans ses écrits, la réflexion de François semble intuitive, mais implique une profonde pensée théologique. Le pape développe un style direct, moins systématique qu’évocateur. Dans ses encycliques et ses exhortations – Evangelii gaudium (2013), Laudato si’ (2015), Fratelli Tutti (2020)… –, un fil rouge se dessine: en réponse au cri des pauvres et de la terre, les chrétiens et les humains sont appelés à une conversion à la fraternité et au soin du vivant. Et la mission de l’Église est d’accueillir toute situation et de l’éclairer à la lumière de l’Évangile.

Photo : Anne-Elisabeth Nève.

Écoute du monde

Le prêtre puis l’archevêque Bergoglio est confronté aux injustices sociales en Argentine : les droits des pauvres et des peuples autochtones sont sacrifiés sur l’autel de l’économie ultralibérale. Au nom de l’Évangile, François appelle à l’écoute du cri des pauvres et à l’accueil des migrants, dénonçant le repli sur soi de l’Europe. Face à la violence et à la crise climatique, il invite les personnes, les gouvernements et les entreprises à la conversion écologique intégrale, à la solidarité et à la fraternité universelle.

Spiritualité

Jésuite, le pape François a été formé aux Exercices spirituels de saint Ignace de Loyola. Pour ceux-ci, il s’agit de discerner la volonté de Dieu dans sa vie, à partir de son expérience intérieure. D’où l’ancrage de la prière et de la contemplation de François dans le réel. La spiritualité de François est également franciscaine (d’où le choix de son nom de pape). Comme saint François d’Assise, le pape s’attache à reconnaître le Christ dans les pauvres, et à contempler la présence de Dieu au cœur de la création.

Théologie

Pour François, la théologie est la démarche de « l’intelligence qui croit« , « un service à la foi vivante de l’Église« . Cette définition classique est colorée par une « théologie du peuple » : la foi du Peuple de Dieu peut répondre à la question du sens. La théologie du pape François est inductive: on part de la réalité, en particulier celle des plus pauvres, pour l’éclairer par l’Évangile. Pour être compréhensible, le langage de la foi doit être sans cesse redéfini, en fonction des cultures. La Tradition chrétienne se présente ainsi comme un organisme vivant.

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« Nous voyons encore trop souvent l’asile comme un problème »

Prêtre, aumônier, journaliste, professeur, théologien, écrivain… Gabriel Ringlet a déjà emprunté de multiples chemins. Il en est sorti, aussi, pour aller au-delà des balises.

Depuis plus de 50 ans, il partage sa foi autrement. Ce samedi encore, sa célébration de Noël à Louvain-la-Neuve en compagnie de l’acteur Sam Touzani, musulman de souche et athée, affichait complet. Des idées réformistes et un vent nouveau dans une Eglise encore parfois qualifiée de rigide et identitaire.

À l’aube de l’année 2023, il jette un regard sur l’année écoulée. Ses crises et ses injustices, mais également ses notes d’optimisme et d’espoir.

Gabriel Ringlet était le 7e intervenant des Grands Entretiens de fin d’année. Copie d’écran RTBF

Quel évènement vous a le plus touché en 2022 ?

Ce qui m’a le plus touché cette année, c’est la résistance des femmes iraniennes. Elle est fondamentale et dépasse très largement l’Iran. Ces femmes, rejointes par des hommes d’ailleurs, osent dire non à un système religieux innommable qui trahit sa propre tradition. Ce qu’on leur fait subir n’a en effet rien à voir avec le prescrit du Coran et la tradition de l’Islam. Ce « non » que les femmes osent proclamer en rue malgré des risques immenses, c’est plus large qu’un refus de la seule dictature iranienne. C’est un « non » à toutes les dictatures, et à tous les enfermements. Surtout lorsque ces enfermements s’appuient sur le sacré, ce qui est pour moi le sommet de l’ignoble. La religion engendre hélas parfois l’épouvante, alors que sa vocation première est de libérer et de rendre plus léger. En Iran comme lors de nombreuses guerres, on récupère la religion dans un rôle qui n’est pas du tout le sien.

L’accueil des demandeurs d’asile doit devenir une priorité absolue de l’Église, au-delà de toutes les questions relatives à l’institution.

L’année 2022 a été marquée par de nombreuses crises, qu’elles soient sanitaire, politique, économique ou migratoire. Quel rôle doit jouer l’Église dans ce contexte ?

Face à toute crise, je vois le rôle de l’Église sur deux plans. D’abord, il est important qu’il y ait une parole forte. Cette dernière doit toujours se situer du côté de l’ouverture, de l’accueil et de la libération des enfermements. Mais pour que cette parole ne soit pas uniquement quelque chose d’abstrait, il est important qu’elle se traduise concrètement sur le terrain. À propos de l’asile par exemple, il est essentiel que l’Église ose s’engager très fortement. Cela correspond d’ailleurs à sa vocation. Je rêverais que dans toutes les paroisses du monde, cet accueil devienne une priorité absolue. Que toutes les autres questions, notamment celles qui concernent l’institution elle-même, soient relativisées.

La crise de l’accueil a en effet été au centre de l’actualité cette année en Belgique. Des centaines de personnes sont encore contraintes de dormir dehors à cause de la saturation des centres d’accueil. Et ce, alors que l’État belge a déjà été condamné à plusieurs reprises pour ne pas avoir respecté ses obligations légales. Quel regard portez-vous sur cette situation ?

Il n’y aura pas de changement concret de l’accueil sur le terrain s’il n’y a pas une évolution des mentalités. Par cela, j’entends essayer de faire comprendre à nos concitoyens que l’autre est une chance, un possible, une espérance et une aide. Nous voyons encore trop souvent l’asile comme un problème. Nous avons peur parfois d’en faire trop à cause de la réaction de nos concitoyens. Or, je crois que nous devons nous engager sur ce terrain-là sans la moindre réserve et aller plus loin que ce qu’il se passe aujourd’hui. Il faut positiver cette action, montrer à quel point elle est un avantage pour nous qui sommes nés ici, que cet accueil nous grandit au lieu de nous réduire.

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Re/commencer, imaginer

« Le matin t’est donné/ Ne le prends pas comme un dû », suggère le poète Guillevic. A chaque nouvelle année autant qu’à notre anniversaire inaugurant 365 jours d’existence en surcroît, nous éprouvons l’ivresse du petit franchissant le portail de l’école pour la première fois, du jeune couple emménageant dans un lieu à lui, de la fraîche accouchée contemplant son petit. L’initiale. Quelque chose commence. Toutes et tous souhaitant le meilleur sur le seuil d’une aventure inouïe. Même lorsque nous sommes confrontés à des interrogations majeures comme celles qui nous assaillent aujourd’hui. Allons-nous ressasser le quotidien mena[1]cé et ses soucis matériels ? Les médias s’en chargent. Pourrions-nous tenter de dégager une voie d’espérance ?

 » Le 3ème, le 4ème âge. Et si cette période de la vie était aussi la meilleure pour notre épanouissement spirituel ?« 

Au long d’une vie, nous accumulons des connaissances, des savoir-faire mais étrangement, on ne nous apprend pas réellement l’attachement et le détachement, la souffrance, la mort des autres et la nôtre. C’est toujours sur le tas que nous expérimentons. Nous ne pouvons guère user d’un quelconque acquis puisque ce que la croissance d’un enfant nous a révélé ne nous sert même pas pour son frère, sa sœur ! La romancière Anne Philipe observait : « Il est vain de regretter que l’expérience de chaque vie ne puisse se transmettre ainsi qu’une loi scientifique. Que serait la vie si nous ne la réinventions et l’abordions gonflés d’une expérience vécue par d’autres ?« 

Nous sommes appelés à nous adapter à l’imprévisible en mobilisant nos ressources. Dans un dossier de Dimanche (13 juin 2021) intitulé En route pour le 4e âge, Pierre Granier soulignait que la tête a la possibilité de grandir, et ce jusqu’au terme ; il concluait gaillardement : « Et si cette période de la vie était aussi la meilleure pour notre épanouissement spirituel ? » Voilà de quoi adoucir la perspective et rendre à la vieillesse sa valeur hors des canons du jeunisme. J’entends l’Evangile : « Qu’il croisse et que je diminue » appliqué à l’être intérieur. Je perçois la voix de la jeune juive partie en fumée à 29 ans, Etty Hillesum, désireuse de se comprendre elle-même, d’assumer son être, alors qu’elle se sait condamnée à brève échéance.

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Paix aux hommes de bonne volonté

« Tant crie-t-on Noël qu’il vient », dit la Ballade des proverbes de François Villon. Y a-t-il une fête, en effet, aussi attendue que Noël ? Pas besoin d’être chrétien. Noël a le don mystérieux de toucher tout le monde, il s’est échappé du christianisme, dans lequel d’ailleurs il n’apparaît que tardivement au IVe siècle. La foi primitive des chrétiens repose sur la vie publique et les paroles du Christ, pas du tout sur les circonstances de sa naissance. Personne, en outre, même parmi les croyants, ne songerait à s’offusquer si, pour une large part, on en range les événements dans le domaine de la légende. Que trois rois guidés par une étoile mobile, par exemple, soient venus s’incliner devant un bébé inconnu né dans une étable ne relève vraisemblablement pas de l’histoire, mais plutôt du mythe.

Santons de Noël – Photo Pixabay

Cela ne signifie pas pour autant que nous soyons en présence d’une sorte de fake news avant l’heure. Non seulement, toutes les religions font usage du mythe, mais c’est une forme d’expression à laquelle on recourt également dans d’autres démarches de la pensée. Platon couronne sa philosophie par le célèbre mythe de la caverne, Mozart a exploité avec génie le mythe de Don Juan, le mythe d’Œdipe a été annexé par les psychanalystes. Les histoires imaginées par les romanciers ne sont pas autre chose que de petits mythes. Dira-t-on pour autant que l’utilisation du mythe discrédite la pensée de ceux qui en usent ?

Le mythe, en fait, sert à faire passer un message par une autre voie que celle du simple raisonnement. Au lieu de s’adresser à la raison, il s’adresse à l’imagination, à la sensibilité, à l’âme tout entière de l’être humain au-delà des ressources limitées de la logique. Ainsi, mieux que n’importe quel discours, les contes des Frères Grimm peuvent assurer l’enfant que, malgré les marâtres, les ogres, les dragons, tout petit Poucet qu’il soit, il trouvera sa place dans le monde.

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Résister, c’est être artisan de paix.

Le père Pedro Opeka, missionnaire à Madagascar, se bat contre la pauvreté avec son association Akamasoa depuis presque 50 ans. Une mission que le prêtre qualifie lui-même de combat, appelant chacun à entrer en résistance contre l’indifférence à la misère qui nous entoure. Aleteia l’a rencontré fin novembre lors de son passage à Paris.

Une poignée de main vigoureuse et un regard vif. Une voix aux accents chauds qui rappelle les couleurs de son Argentine natale. Le père Pedro, 74 ans est missionnaire à Madagascar depuis presque 50 ans. Il est venu nous revoir à la rédaction de Aleteia pour parler du combat de sa vie : la lutte contre la pauvreté et l’exclusion. Éternel révolté, il exhorte chacun, dans son nouvel ouvrage Résiste ! (Éditions du Rocher), à faire sien cet engagement au service du pauvre.

Le père Pedro dans les locaux d’Aleteia le 30 novembre 2022. Copie d’écran Aleteia.

Aleteia : À quoi faut-il résister ?
Père Pedro : On doit résister à toutes les formes d’injustice, à toute oppression de l’être humain. À la fois à la pauvreté et à la tristesse. La pauvreté est une injustice, elle n’est pas tombée du Ciel, elle vient des hommes, de chacun de nous parce que nous n’avons pas pris nos responsabilités. Nous avons laissé une partie de nos frères et sœurs sur le chemin du progrès. C’est aussi résister à la dépression, au désespoir. Dieu sait combien de personnes aujourd’hui vivent un quotidien triste et morose. 

C’est un courant très puissant que celui de l’indifférence, du chacun pour soi, de l’individualisme. Cela ne mène pas au vrai bonheur.

Est-ce un devoir pour les chrétiens de résister ? 
C’est un devoir pour tout être humain mais, quand on se dit chrétien, c’est une raison de plus de faire quelque chose pour ses frères. 

Vidéo du Père Pedro

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