Bienvenue en Belgique, cher pape François

Malgré le poids de l’âge, vous poursuivez vos voyages, avec une prédilection pour les périphéries du globe. Un portrait de notre pays, la Belgique ? C’est un peu la Suisse en miroir inversé : une nation née de la rencontre entre cultures germaniques et latines, secouées par les querelles entre catholiques et protestants. Tour d’horizon.

« Les vents contraires créent cependant une adhésion entre fidèles, qui se ressentent davantage acteurs d’Évangile. Ainsi advient une Église plus authentiquement synodale. « 

Cher pape François,

Malgré le poids de l’âge, vous poursuivez vos voyages, avec une prédilection pour les périphéries du globe. Fin de ce mois de septembre, vous faites une exception en venant au cœur de l’Europe occidentale, soit au Grand-Duché et en Belgique. Un portrait de notre pays ? C’est un peu la Suisse en miroir inversé : une nation née de la rencontre entre cultures germaniques et latines, secouées par les querelles entre catholiques et protestants. À histoire parallèle, géographie différente. La Suisse montagneuse s’est protégée de ses grands voisins par une politique de neutralité stricte, justifiant que la Confédération soit devenue le siège de la Croix-Rouge, du Comité Olympique international et du Conseil Œcuménique des Églises. Champ de bataille de l’Europe (Fleurus, Waterloo, Passchendaele, Bastogne…), notre plat pays servit, quant à lui, de butin de guerre aux puissances européennes. Il survécut en développant une forte culture du compromis. Sa fondation au XIXe siècle s’explique d’ailleurs par une alliance contre-nature entre catholiques et libres-penseurs. Ce n’est donc pas un hasard si notre capitale est le siège de puissantes institutions nées de la négociation, l’Union européenne et l’Otan. Il n’est pas, non plus, étonnant que l’Église de Belgique soit pétrie de cet esprit de nuance, qui fit de nos théologiens, des diplomates de premiers plans lors du Concile Vatican II.

Les guerres de religion divisèrent la Suisse en cantons catholiques et réformés. Le royaume espagnol, alors au pouvoir en nos basses contrées, chassa les protestants aux Pays-Bas, faisant de la Belgique une nation homogènement fidèle à Rome. À la fondation du pays en 1830, 98 % de sa population était baptisée catholique. En 1968, cela faisait encore 95 %. Notre Royaume est d’ailleurs la nation au monde, comptant le plus d’institutions nominalement catholiques (écoles, hôpitaux, mutuelles, syndicats, mouvements de jeunesse,…). La forte sécularisation a forgé un compromis tacite concernant leur identité : la plupart, dont les universités jumelles dont vous honorerez le 600° anniversaire de fondation, ne renient pas leurs racines et la veine évangélique de leur mission, mais ne se considèrent plus comme des organes d’Église, soumis à son magistère. Catholiques d’inspiration, elles se sont émancipées d’un strict rapport d’autorité par rapport à l’épiscopat.

Un même pluralisme anime la population. La majorité de nos concitoyens sont baptisés catholiques, mais seuls quelques pourcents pratiquent leur foi régulièrement et un quart de la population le fait irrégulièrement. Les autres ont coutume de dire : « j’étais catholique », ou « je suis catholique, mais… » La principale religion du pays est donc le catholicisme sociologique, avec une faible adhésion de foi, matinée d’indifférence ou d’hostilité à l’encontre de l’Église. Hostilité plus virulente encore en Flandre. Le nord du pays fut des siècles durant, à l’instar de l’Irlande ou du Québec, un bastion catholique. « Alles voor Vlaanderen. Vlaanderen voor Christus » – tel était son cri de ralliement. Avec la sécularisation et le scandale des abus sexuels, advint un rude retour de bâton : tout semble bon pour brûler cette Église que la Flandre a adorée.

Notre Belgique paraît donc conjuguer son catholicisme au passé. Les vents contraires créent cependant une adhésion entre fidèles, qui se ressentent davantage acteurs d’Évangile. Ainsi advient une Église plus authentiquement synodale. De plus, l’hiver chrétien annonce un printemps de l’Esprit : bien des jeunes font l’expérience du Christ ressuscité et le nombre d’adultes demandant le baptême, augmente chaque année. L’enthousiasme de ces néophytes bouscule et réveille notre Église, parfois découragée. Pour eux et pour nous tous, votre visite est un puissant encouragement. Bienvenue en Belgique, cher pape François.

Issu du blog d’Eric de Beukelaer : http://www.ericdebeukelaer.be/

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