« Rester missionnaire », quel que soit le paysage

A côté d’une pratique citadine, il existe celle des villages et des espaces moins urbanisés. Le diocèse de Namur est à ce propos exemplaire, puisqu’il compte un grand nombre de clochers. Les responsables des Unités pastorales constituées ont fait le point avant le déconfinement.

La réalité géographique du diocèse de Namur impose ses conditions, puisque celui-ci est à la fois le moins peuplé et le plus étendu de Belgique. En effet, les provinces de Namur et de Luxembourg occupent un quart du territoire belge, comme nous le rappelle l’abbé Pascal Roger, curé-doyen de l’Unité paroissiale « Coeur de l’Ardenne au fil de l’Ourthe ». « Nous sommes privilégiés avec ces espaces plus vastes et peu de concentration de population. La nature est là avec un printemps généreux et lumineux comme rarement. »
Toutefois, dans le diocèse de Namur comme ailleurs, « la vie ecclésiale n’est plus limitée à la paroisse. » Il suffit de songer aux différentes activités proposées : partage biblique, animation de groupes de jeunes… Dès lors, poursuit le délégué épiscopal pour le Chantier paroissial, « une réflexion de fond a démarré sur le terrain », afin de constituer une unité au départ de ces différentes réalités ecclésiales. Des 742 paroisses actuelles dans le diocèse, ce seront 80 Unités pastorales (UP) qui verront le jour. Toutefois, vingt d’entre elles sont déjà constituées et effectives. A l’occasion du confinement, les responsables de celles-ci viennent de se rassembler lors d’une vidéoconférence.
Une rencontre virtuelle appréciée
Ravis de ces retrouvailles par écrans interposés, les prêtres ont fait le point sur la situation et ses implications. « Il y a eu beaucoup de sincérité dans l’expression de ce qui est vécu, comme pour certains le désarroi devant une mission plus difficile à accomplir », estime l’abbé Roger. Ce temps d’échanges cordiaux a permis d’évoquer les difficultés inhérentes au confinement, mais aussi ses joies. Pascal Roger relève « l’émergence de nouvelles solidarités. Il importe aussi de garder la communication entre les acteurs pastoraux et de prendre soin des situations de solitude et d’isolement. Il convient de rester missionnaire, de donner une parole d’espérance via les canaux disponibles ». De nombreuses célébrations ont ainsi été retransmises par le biais des réseaux sociaux ou des médias professionnels. Un foisonnement de propositions aux qualités variables, comme le relève, pour sa part, l’abbé Bruno Robberechts, le doyen de Leuze. Celui-ci souligne des démarches relevant parfois d’une « envie de se faire plaisir », où il s’agit davantage de « tenir le contact, avec un contenu moins important ».
Le second volet de la rencontre des responsables d’Unités pastorales namuroises a porté sur « les priorités et les besoins » inhérents au déconfinement. Le processus de réflexion a été amorcé, libre à chacun d’y réfléchir ensuite en UP, afin de préparer une deuxième rencontre à la mi-mai. A côté des spécificités logistiques, comme une préférence accordée aux édifices plus aérés ou l’adaptation éventuelle des horaires des célébrations, un aspect crucial réside dans la dimension nouvelle de ces célébrations post-confinement, tellement attendues par les paroissiens. « Les personnes en recherche vivent leur expérience de foi de manière personnelle. Pour certains, l’appel a été lancé par le confinement. On le voit dans les messages et les échanges », précise encore l’abbé Robberechts. Et de penser à l’éventualité de célébrer des messes supplémentaires, « à taille limitée » pour éviter les grands rassemblements. Ce faisant, des messes en paroisses permettraient de « mettre en valeur la vitalité locale », avant de reprendre des célébrations par secteur, avec une plus large assistance.
Des kilomètres au compteur
Vu les distances, un véhicule s’avère nécessaire pour se déplacer à la campagne. Daniel Vercalsteren a ainsi pris l’habitude d’aller chercher des personnes âgées pour les accompagner à la messe. « Si on ne va pas les chercher, elles n’y vont pas, souvent faute de voiture. Je trouve normal d’aller dans une autre paroisse du secteur, puisqu’il y en a d’autres qui viennent chez nous. Pour la messe du samedi, on tourne de paroisse en paroisse. Et c’est toujours à peu près les mêmes qui viennent. Mais, ça ne me ‘chausse’ pas d’aller ailleurs, dans un autre secteur ! « Et l’après-confinement, Daniel l’attend avec impatience : « les célébrations commencent à me manquer. A la télévision, ce n’est pas la même chose qu’en face du prêtre, de se dire bonjour… » C’est peu dire qu’il est prêt à reprendre du service dans le transport des autres habitués !
L’expérience de la communauté

Optimiste de nature, l’abbé Roger estime que « l’être humain sortira grandi » de cet épisode néanmoins douloureux. Et d’espérer que les priorités deviennent différentes dans la société, soient davantage axées sur « l’importance de la vie et des relations simples, le partage de moments gratuits en famille, mais aussi l’intérêt du silence et une redécouverte de l’intériorité ». Pascal Roger relève ce paradoxe selon lequel « si les médias sociaux sont précieux, le besoin d’une présence physique a une valeur accrue ». Un avis partagé par l’abbé Robberechts : « la religion était un service qui allait de soi. C’est la valeur de l’attachement à la communauté qui a été relevée. Que signifie-t-elle, quand on en a été privé ? ». Le fait que tous les citoyens aient traversé la même houle n’a pas été sans renforcer un sentiment d’appartenance et donner lieu à « un potentiel de solidarité. Tout le monde est ensemble dans la même aventure qui est la vie, c’est l’Evangile », estime le doyen de La Roche-en- Ardenne. En effet, après avoir été « abordé par un petit côté – celui de l’homme individualiste se ruant dans les supermarchés –, le confinement s’est mué en mouvement de solidarité. Ce retournement est magnifique », relève-t-il, tout en soulignant la grande créativité présente, notamment dans l’humour « qui donne de la légèreté » ou les manifestations de sympathie déployées à l’égard des résidents et des soignants dans les maisons de repos. Cet enthousiasme n’enlève pas ses inquiétudes à l’égard de certains travailleurs, dont l’avenir semble plus incertain. Même constat à l’évocation « des deuils vécus sans le soutien habituel. Des souffrances et des blessures », dont l’abbé Roger ne fait pas l’impasse. De son côté, Bruno Robberechts observe que si certains sont impatients de célébrer leurs défunts, d’autres « ne veulent pas réactiver leur douleur et préfèrent s’abstenir ». A côté de l’engouement enthousiaste d’un grand nombre d’adhérents à des sites, à des réseaux sociaux ou à des revues, il confie l’inquiétude d’avoir perdu certains « en cours de route », avec la suspension de fêtes particulières et le report de célébrations festives. « L’occasion est passée, pourra-t-on la renouveler ? » Il est dès lors primordial d’être attentif aux périphéries… « En tant que détenteurs d’un trésor et porteurs d’un message d’espérance, nous devons être en première ligne », pointe encore l’abbé Roger. A chacun d’œuvrer pour une sortie de confinement apaisée et nourrissante !
✐ Angélique TASIAUX
Extraits tirés du journal Dimanche n°20 de 17 mai 2020
Oui, il est devenu normal de rencontrer un prêtre pour une demi-douzaine de paroisses. On y rencontre aussi une équipe de personnes (catéchistes et autres animateurs) qui donnent volontiers leur temps, leurs idées, pour aider le pasteur dans son ministère. Il arrive que le prêtre soit ouvert à ces personnes qui l’entourent, il arrive aussi que le prêtre ne résiste pas à l’envie de « gouverner » parfois fermé aux suggestions pourtant constructives.
A titre personnel comme je souhaite que les célébrations soient des occasions de bonheur, de joie même avec des participants détendus, heureux de participer, de répondre, de chanter.
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