Le confinement : une chance pour nos paroisses

Églises vides et sacrements annulés. La crise actuelle affecte directement la vie de nos communautés. Mais elle suscite aussi des initiatives nouvelles et des gestes de solidarité. Derrière le drame se cache une opportunité. Et si c’était l’occasion d’inventer les paroisses de demain?
Morceaux choisis :
Une crise sur une autre
Des églises vides, des célébrations annulées, des sacrements reportés… Soyons clair : c’est une période compliquée que traversent nos paroisses. Sur le plan individuel, bien des fidèles ont souffert de vivre la Semaine sainte confinés. Ils regrettent de ne pouvoir communier, d’être éloignés de leurs frères et sœurs. Sans même penser à ceux qui n’ont pu offrir un dernier au revoir à un proche disparu… Sur le plan communautaire, les choses sont aussi difficiles. Des dynamiques sont suspendues, des pélés sont annulés, des projets sont reportés. Et puis, il y a l’incertitude. Quand pourrons-nous retrouver notre paroisse ? Célébrer comme avant ? Et même : pourrons-nous un jour célébrer comme avant ? A ces questions, pour l’heure, point de réponse.
Ce n’est pas tout : cette crise du confinement éclate alors que nos paroisses traversent une période déjà difficile. Sous nos contrées, l’Église est en pleine mutation. Les assemblées vieillissent, des clochers sont désacralisés, les prêtres se font rares… Certaines communautés sont fragiles ; survivront-elles à l’épreuve du confinement ?
Discerner de nouveaux lendemains
Bien sûr, le temps de la relecture n’est pas encore venu. Il n’empêche. Ceux qui en ont l’occasion se mettent déjà à penser : de quoi ce confinement est-il le signe – ou l’annonce ? A quoi invite-t-il l’Église – ou contre quoi la met-elle en garde ? Car, l’air de rien, les questions soulevées ne sont pas minces. Quel est l’essentiel pour un croyant ? Qu’est-ce qui manque vraiment en ce temps de confinement ? Peut-on concevoir une vie de foi sans prêtre ? Certains le susurrent : la période pourrait préfigurer cette « Église en sortie » à laquelle nous appelle le pape François…
A Bruxelles, Claude Lichtert suggère de ne pas trop attendre pour réfléchir. Ce prêtre est responsable du service Formation du Vicariat. « Dans cette fonction, on a le luxe, et même le devoir, de poser des questions qui dérangent, de prendre du recul« , explique-t-il. « Je veux bien jouer ce rôle de poil à gratter. » L’homme n’a pas traîné. Début avril, il a proposé d’organiser une petite enquête auprès des unités pastorales de la capitale. Parmi les questions, celle-ci : « Quelles sont les activités maintenant suspendues dont je souhaiterais qu’elles ne reprennent pas ? » Claude Lichtert s’explique : « Pour bien des personnes engagées dans l’Église, cette période est belle. Je sens les gens apaisés. Ils ne sont plus envahis de réunions, sont davantage disponibles pour l’écoute… » Supprimer certaines choses ? Pour en inventer d’autres ? « C’est maintenant qu’il s’agit de réenvisager notre ecclésialité post-confinement. C’est même peut-être maintenant ou jamais« , pressent Claude Lichtert. « J’aimerais que l’Église se décléricalise. Qu’elle puisse offrir des lieux d’échange et de rencontre, ouverts aux personnes qui y sont engagées comme aux autres. » A quoi ressemblera l’Église de demain ?
Toutes les personnes que nous avons interrogées le pressentent : pour nos communautés, il y aura un avant et un après. « Le confinement et ce qui s’ensuivra nous obligeront à vivre des changements, à détrôner les habitudes« , prédit Philippe Pardonce, curé de l’Unité pastorale de Gerpinnes. « Mon unité pastorale sortira sûrement différente de ce temps« , abonde Anne Sr Anne Peyremorte, coordinatrice de l’Unité pastorale du Kerkebeek. « J’espère que ce sera avec force et avec joie, avec des chrétiens debout, continuant à déployer leur vocation baptismale. »
Croyez-vous que cette crise du confinement pourrait constituer une chance pour l’Église ?
Arnaud Join-Lambert, professeur de théologie pratique à l’UCLouvain, y voit en tout cas deux opportunités. Tout d’abord, l’invitation, faite aux chrétiens, à prendre soin de leurs voisins, de leurs réseaux. En ce domaine, de très beaux fruits pourraient perdurer. Il y a là un enjeu de crédibilité évangélique. Deuxième aspect : les liturgies domestiques. Puisqu’on a du temps, on peut redécouvrir la prière à la maison, la lectio divina, les lectures spirituelles. Redécouvrir aussi qu’un couple ou une famille constitue une petite Église. Je pense qu’en ce domaine, il peut y avoir un nouvel élan pour la vie chrétienne.
Extraits tirés du journal Dimanche n°20 de 17 mai 2020