Qui prend le temps de parler de la mort aux enfants ?

Halloween et la Toussaint sont deux fêtes jumelles. Alors plutôt que de mépriser la première, ne peut-on l’exploiter comme une occasion de comprendre la longue recherche poursuivie par les humains de toutes cultures pour donner un sens à la mort ?

Qui prend le temps de parler intelligemment aux enfants de la mort, de l’au-delà, de l’invisible, de l’intercession ? Leur raconte-t-on la longue histoire d’Halloween ? Leur apprend-on à distinguer la vision chrétienne de la vie éternelle des récits de revenants ou de réincarnation ? 
Illustration captée sur le site de Lalibre.be – Pages Débats

Halloween… Entre rentrée des classes et Saint-Nicolas s’intercale opportunément dans les grandes surfaces l’occasion de vendre cher un bric-à-brac d’horreurs devenu incontournable : squelettes, sorcières et toiles d’araignées entourent les citrouilles ricanantes de toutes tailles. D’aucuns déplorent l’abandon de nos vieilles coutumes de Toussaint. Mais pourquoi ces rituels venus d’Amérique se sont-ils répandus dans nos pays latins ? Phénomène uniquement commercial ? C’est peut-être vite dit. Pour comprendre, il faut remonter aux origines et découvrir qu’Halloween et Toussaint ont en fait la même signification profonde et sont toutes deux originaires d’Irlande.

Entre le visible et l’invisible

Chez les anciens Gaëls, depuis la nuit des temps, le Nouvel An se fêtait le premier novembre, lors de la grande fête de Samain. La nuit du 31 octobre était en effet très noire, on éteignait tous les feux, c’était la nuit où les morts avaient la permission de quitter le Sidh, leur domaine souterrain, pour retourner chez les vivants. Revenaient surtout ceux qui étaient décédés dans l’année, ou que la mort avait surpris : assassinés, noyés, accidentés. Ceux-là n’avaient pas encore trouvé leur place et erraient comme des « âmes en peine ». Ils venaient chercher secours auprès de leurs proches. Peu rassurés, les vivants restaient chez eux ce soir-là, buvant de l’hydromel après avoir déposé sur le seuil de leur maison une lanterne allumée et un peu de nourriture pour la poursuite du voyage de leurs proches dans l’au-delà.

Au Ve siècle, les Irlandais se convertirent massivement au christianisme, mais continuèrent à fêter Samain et à croire aux revenants. Saint Patrick, qui les avait évangélisés, connaissait bien ses ouailles. Plutôt que d’interdire ces rites païens, il les transforma en Toussaint, fête de la communion des saints. Ce fut une manière habile de christianiser le lien immémorial qui unit le visible à l’invisible, le monde des disparus à celui des vivants. Il autorisa les coutumes de la veillée, avec ses débordements folkloriques, ses feux allumés à l’aube, et bien sûr ses joyeuses beuveries. L’Église tolérait, pourvu que tout le monde se retrouvât le lendemain à la messe de Toussaint, où l’on priait pour tous ceux, connus ou inconnus, qui avaient rejoint le Royaume de Dieu. On les priait aussi d’intercéder pour les vivants, ce qui, en somme, poursuivait la même idée d’échanges avec les défunts que l’ancienne religion celtique.

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