
Le plus grave des péchés, selon Ignace de Loyola, c’est l’ingratitude. Et l’on peut comprendre. L’ingrat considère que tout lui est dû et n’a donc pas à en dire merci. « Maître et possesseur » (selon Descartes) de tout l’univers, il en est le centre, tout tourne autour de lui, tout lui appartient de droit. En contraste, l’écrivain anglais du siècle dernier, G. K. Chesterton estimait que la seule façon de jouir fût-ce d’une mauvaise herbe est de se sentir indigne même d’une mauvaise herbe. Rien ne m’est dû, tout est don. L’émerveillement devient alors quotidien, je reçois chaque événement, chaque personne, chaque aliment comme une surprise ! Tout est donné de façon imméritée. Je ne m’habitue pas, mais me laisse surprendre à chaque instant. Cette attitude permet d’accueillir la vie, même difficile à certains jours, comme étant belle. Etty Hillesum, pourtant promise à la mort dans les camps de concentration, consigne dans son journal spirituel : « Mes enfants, je suis pleine de bonheur et de gratitude, je trouve la vie si belle et si riche de sens. »